Ce quil faut pour être parfait chrétien.
Il faut pour être parfait chrétien, croire
non-seulement que Dieu créa le monde en six jours ; mais
il faut croire encore que la lumière nest pas leffet
du soleil, que le ciel est de cristal, quil a des portes que
Dieu ouvre et ferme selon ce quexige la nécessité,
et par lesquelles lorsquelles sont ouvertes, les eaux dun
nombre considérable de fontaines, de fleuves et de cataractes
sécoulent sur notre planète ; quà ce
ciel, toutes les étoiles que nous voyons ne sont que des lanternes
qui y sont attachées pour éclairer la nuit. Il faut croire
lorsquil pleut, non pas que ce soit une restitution que les rayons
du soleil font à la terre de leau quils ont absorbée,
mais que ce sont les fontaines du grand abîme qui sont débordées ;
il faut croire non pas que la terre est ronde et tourne autour du soleil
comme la prétendu Galilée, mais au contraire quelle
est plane et peut au besoin se rouler comme un tapis ou se plier en
quatre comme une nappe, que cest le soleil qui tourne autour
de la terre et quon peut larrêter pour peu quon
sappelle Josué. Il faut croire que nous sommes tous nés
du même homme que les Juifs ont nommé Adam, malgré la
différence des formes et des couleurs, que celles-ci ne sont
que leffet du soleil et surtout des différentes couleurs
des radis qui furent longtemps la principale nourriture des primitifs.
Il faut croire quon peut renverser les remparts dune ville fut-ce
même dun Sébastopol en sonnant tout simplement
de la trompette, et vaincre des armées avec quelques goujats
armés seulement de cruches et de lampes, pourvu quil y
en ait un qui sache jouer de la harpe. Il faut croire que les Hébreux
vécurent de rose pendant quarante ans dans le plus affreux désert
du monde, que leurs enfants y naquirent tout vêtus, et que leur
vêtements sétendaient en longueur et en largeur à mesure
quils croissaient. Il faut considérer comme choses saintes
et sacrées limpudeur des filles de Loth, les assassinats
dHolopherne et de Sizara par Judith et Jahel, laffreuse
débauche des patriarches couchant simultanément avec
leurs femmes et leurs servantes et prostituant les premières
pour un vil butin. Il faut croire que Dieu dîna dun fromage à la
crème chez Abraham, quil parla du haut dune échelle à Jacob
et à Moïse à travers la fente dun rocher ;
quElie est monté au ciel dans un char de feu attelé de
quatre chevaux de feu ; que Dieu ordonna à Ezéchiel
de manger une tartine de fiente humaine et commanda à Osée
dépouser une prostituée et de débaucher
une femme mariée, quil rasa tout le poil du corps
du roi Asur et recrépit de ses propres mains les habitations
des Juifs.
Pour être parfait chrétien, il faut croire
surtout que Dieu nous ressemble quil porte une robe rouge
comme en portaient les consuls romains et une longue barbe comme le
Juif-Errant ; enfin il faut être équarri comme
BridOison ou George Dandin, ne voir clair que par les yeux des
prêtres et braire comme un âne tous les dimanches matin
et soir dans une langue que les neuf cent quatre-vingt-dix-neuf millième
des hommes nentendent pas. Si vous êtes assez sot pour
croire à toutes ces turpitudes, et si par le baptême vous
avez reçu le nom de Fiacre ou de Crépin, vous pourrez
espérer dêtre compté au nombre des saints
et quun jour vos enfants liront votre nom dans le calendrier
du Diable-Boiteux ou dans celui de Mathieu Lansbergh.
Comme il y a beaucoup de prêtres qui nont
jamais lu la Bible, que les dix-neuf-vingtièmes des Chrétiens
ne lont jamais vue, que les uns et les autres pourraient douter
des merveilles dont elle fait mention, nous allons en extraire quelques-unes.
Nous commencerons par Noë**, le premier navigateur, qui loge dans un
chaland dont la dimension est précise, plus danimaux que
ne pourraient en contenir cinquante chalands pareils ; mais ce
quil y a de plus extraordinaire, cest que ces animaux viennent
tout exprès et à lheure juste de lembarquement,
de toutes les parties du monde, les uns en volant, les autres en courant,
et les autres en rampant ; rien ne les arrête, ni mers,
ni fleuves, ni montagnes, ni le froid, ni le chaud : ils savent
que Noë les attend, et ils partent sans sinquiéter sils
sexposent à être dévorés les uns par
les autres. La gazelle voyage côte-à-côte avec le
tigre, le cygne avec le vautour, la colombe avec lépervier,
le mouton avec le loup et le rossignol avec le serpent ; enfin
ils arrivent, et il était temps, car on entendait déjà le
verrous des portes des cataractes du ciel que Dieu commençait à ouvrir,
bien que le ciel nait ni portes ni cataractes.
Ici, cest le pâtre Abraham qui, avec trois
cent dix-huit vachers comme lui, et tout simplement armés de
bâtons, bat devant Sodome les rois de Perse, de Pont, de Babylone
et "le roi des nations ;" il les oblige, eux et les
soldats qui ont survécu au carnage, à rebrousser chemin
jusquà Damas. Là, cest Gédéon,
qui avec moins dhommes quAbraham, car il nen avait
que trois cents, défait toute une armée bien que ses
trois cents hommes ne soient armés chacun que dune cruche
et dune lampe, ce qui était encore bien moins commode
pour combattre que des bâtons. Là, cest une pluie
de pierres qui prend parti pour les Juifs contre les Omorrhéens**
et les écrase. Nous demanderons pourquoi Josué dans cette
circonstance se donne la peine darrêter le soleil et la
lune, car nous ne voyons pas le besoin quil avait de chercher à gagner
du temps, puisquil navait plus affaire quà des
morts : il nest pas dhommes en pleine campagne qui
puissent résister à une pluie de pierres ? Voici
Samson qui trouve à point nommé trois cent renards sous
sa main, et qui, leur liant à chacun un tison à la queue,
brûle les [[illisibles]]es des Philistins : il tue mille
de ces Philistins dun seul coup de los de la mâchoire
dun âne ; après quoi, ayant soif et voulant
se désaltérer, [[il]] retire une dent de cet os de mâchoire
dâne et en fait sortir une fontaine. Il faut avouer que
de pareilles mâchoires seraient plus commodes pour les marchands
de "coco" que leur coffres de ferblanc** quils sont
obligés de remplir à mesure quils sont vides, sans
compter que leau de Seine ne vaut pas leau de source.
Voilà Moïse qui, après avoir lutté dadresse
avec Japès et Membrès, se contente de porter un coup
de bâton contre un rocher pour en faire, à son tour, sortir
aussi une fontaine. Cest dommage que M. Mulo nait
pas été possesseur dun pareil bâton, il ne
se fût pas donné tant de peine pour amener leau à Grenelle ;
il lui eut suffit de frapper contre la première borne quil
eût rencontrée. Si le "Médecin-malgré-lui" guérit
la fièvre et remet les entorses avec un fromage, si M. Saugradeau
tire un homme de lagonie avec un pot deau chaude, il suffit à Isaïe
dune tartine de marmelade de figues pour guérir des ulcères
réputées incurables. Son confrère Ezéchias
a encore plus de pouvoir : il raccourcit et allonge lombre à volonté,
sans quil soit dit quil ait raccourci ou allongé le
sujet, ni quil ait arrêté, fait avancer ou reculer
le soleil. Là, cest une mer qui se sépare en deux,
amoncelant ses eaux pour laisser un passage libre à Moïse
et à sa troupe : en circonstance pareille le Jourdain fit
la même chose, et les pierres du temple de Jérusalem quon
voulait démolir se cramponnèrent dans les fondations
et lancèrent des pétards au nez des démolisseurs.
Là-bas, tout là-bas, dans un chemin
creux tout bordé de rochers à droite et à gauche,
voilà Balaam qui se prend de querelle avec son âne. Il
en résulte des explications de part et dautre où lâne,
parlant parfaitement lhébreu, reproche à son maître
sa brutalité en même temps que ses fautes de grammaire.
Ceci métonne beaucoup moins que toutes les merveilles
qui précèdent, car il y encore aujourdhui pas mal
de Balaams qui pourraient être repris par leur âne sur
plus dun point. Dailleurs, avant lâne de Balaam,
le serpent avait parlé dans lEden, mais on ne nous a point
dit en quelle langue : on ne devait, dans ce temps-là,
connaître que celle des Dieux. Un phénomène à peu
près semblable est arrivé un siècle environ après
le déluge : les maçons de Babel se trouvèrent
tout-à-coup en état de parler chacun une langue quil
navait jamais ouïe. Cest ce que les théologiens
appellent improprement la confusion des langues, car ils devraient
dire la naissance.
Jouvre le livre de "Josué" ( ?)
et je vois le berger David qui fait à la jeune Michal, fille
du roi Josué quil doit épouser, un apport de deux
cents prépuces de Philistins. Je vois encore que les Philistins,
indépendamment des hémorrhoïdes** dont ils sont
atteints, sont condamnés par Dieu, pour avoir pris larche, à offrir à cette
arche cinq rats et cinq anus dor. On voit partout les Philistins
vaincus par les Juifs, bien que ceux-ci leur soient tributaires, quil
leur soit défendu par la loi philistine de posséder des
armes et même des pierre à moudre. Nimporte, les
Juifs nont darmes quune épée et un
lance quils ont volées, et cest avec cette épée
et cette lance quils vainquirent des milliers de soldats cuirassés
et armés de toute pièce. Puis vous les verrez trouver,
dans deux ou trois villages des Madianites, six cent-soixante-quinze
mille moutons, soixante-douze mille bœufs, soixante et un mille ânes
et trente-deux mille pucelles, enfin, plus de bétail
et plus de filles vierges que nen eût jamais toute la Judée. Le "Livre
des rois" vous dira que David, lex-prêtre, qui ne
possédait pour tout butin à son avènement au trône,
comme dit le texte (le trône cétait une botte de
foin), quune fronde et une panetière, pour tout vêtement
quune peau de bouc, laissa vingt-cinq milliards six cent quarante-huit
millions de notre monnaie à son fils, Salomon ; il vous
dira que ce Salomon avait plusieurs flottes qui allaient en Ophir (connaissez-vous
ce pays-là ?) et qui lui rapportaient en lingots dor
pour soixante-huit millions de notre monnaie par an ; quil
avait quarante mille écuries, sept cents femmes et trois cents
concubines, et quil composa cinq mille cantiques, sans compter
un nombre considérable de livres sur lhistoire naturelle,
qui furent malheureusement perdus pour Aristote, Pline, Buffon, Lacépède,
etc., ce qui ne lempêchait pas dêtre obligé de
faire venir du bois et des ouvriers de létranger pour
construire son palais et dengager ses village au roi de Tyr pour
avoir de largent. Tout cela est merveilleux mais peu vraisemblable.
Je crois que si je possédais vingt-cinq milliards (je laisse
les six-cent quarante-huit millions de côté), si je commandais à un
pays grand et aussi peuplé que létait alors la
Judée, je pourrais me faire construire un assez joli palais,
même des hôpitaux pour mes maçons et mes charpentiers
sans que je sois obligé dengager ni mes villages ni mon
peuple à un roi de Tyr.
Si vous ne craignez pas dêtre dégoûté par
lodeur du déjeûner dEzéchiel, sil
ne vous répugne pas de voir ce Juif crasseux courir tout nu
par les rues ; si vous vous sentez assez robuste pour supporter
le choc du style rocailleux et plus que dégoûtant de la
tirade dimprécations que le Dieu des Juifs adresse par
son médium à Oolla et à Oliba, lisez les "Prophètes ;" et
vous verrez que cet Ezéchiel dit avoir vu des animaux à quatre
têtes, ayant quatre ailes et des pieds de bœuf, des roues couvertes
dyeux qui allaient un train de poste, sans quon les tira
ni quon les poussa, et qui avaient une âme ou lesprit
de vie comme lavaient tous les Juifs. Vous verrez que Jonas,
après avoir été avalé par une baleine qui
ne pouvait avaler que de très-petits poissons, demeure trois
jours et trois nuits dans le ventre de cette baleine et en sort aussi
sain que sil eut passé ces trois jours et ces trois nuits à voyager
en carrosse. Mais peut-être ne voudrez-vous pas vous donner la
peine de lire cette histoire, parce que vous savez quHercule,
avant Jonas, fut aussi avalé par un poisson et quil passa
trois jours et trois nuits dans son ventre : vous direz que les
Juifs ne sont que de mauvais imitateurs et que vous aimez mieux vous
en tenir à la fable dHercule. Si vous vouliez cependant
lire seulement les prophéties de Daniel, vous verriez comment
ce prophète fut jeté dans la ménagerie du roi
Nabuchodonozor (section des lions) ; vous verriez que ces animaux,
au lieu de le dévorer, comme ils lauraient fait si on
leur eût jeté un homme, lui léchèrent les
pieds et les mains ; vous verriez un autre prophète, nommé Habaoue,
transporté dans les nuées de Jérusalem à Babylone
par un ange qui le tient aux cheveux, sans quil vous tombe sur
la tête une seul goutte du bouillon quil porte dans une
assiette à son confrère Daniel, les lions de Nabuchodonozor
nétant pas cuisinier et nayant pas prévu
que celui quon leur avait jeté en pâture pût
avoir faim, lorsqueux sétaient trouvés rassasiés
par sa seule présence. Vous verriez aussi lhistoire de
Sidrae, Misae et Abdénago qui chantèrent dans la fournaise,
comme si dans ce temps-là le feu eût été aussi
efficient pour la voix que la castration. Mais vous me direz, avec
Voltaire, que ceux qui aiment la lecture des prophéties méritent
de déjeûner avec le prophète Ezéchiel ;
que Boulanger a dit quil était aussi honteux de croire
ce qui est rapporté dans les livres Juifs que de les avoir écrit ;
que le prêtre Meslier dit dans son testament que si lon
prenait au sérieux les fables juives, les cheveux en dresseraient
sur la tête, mais quelles sont tellement absurde que lon
doit se contenter den rire. Vous me direz aussi que saint Jérôme
traite de fables ridicules lhistoire de la fosse aux lions, celle
de la fournaise et celle de Suzanne : mais moi, je vous répondrai
que si saint Jérôme repousse ces trois histoires en les
traitant de fables, il admet tout le reste des prophéties, ce
qui me fait souvenir que Voltaire dit avoir connu un homme qui niait
la vérité de trois chapitres de Rabelais et qui admettait
tous les autres comme étant parfaitement historiques.
Enfin, il ne fut donné quaux Juifs dêtre
témoins de si grandes merveilles : le reste des hommes
na jamais rien vu de semblable, si on en excepte cependant saint
Augustin qui nétait pas Juif, et qui vit en Ethiopie des
hommes et des femmes sans tête et ont leurs yeux étaient
placés sur leur poitrine, il en vit dautres qui avaient
bien chacun une tête mais ils ne possédaient quun œil
quils portaient, comme les cyclopes, au milieu du front.
Voilà, mes amis Babylas, Ignace, Basile et
Crépin ce à quoi il faut croire si vous voulez être
parfaits Chrétiens, éviter lenfer et mériter
le paradis.
Un abonné "payant" du Libertaire
La dénomination
dabonné, si je ne me trompe, suppose un abonnement payé davance.
Pour être
vrai, je dois faire observer que le signataire est un acheteur et non un abonné payant.
Il y a cette
différence entre un abonné et un acheteur que le premier
est une certitude pour un certain laps de temps ou certain nombre de
numéros, tandis que le second ne représente eu futur
quune hypothèse.
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