On lit dans l’Indépendant de Neuchâtel l’article suivant :

Réveil des communes.

"C’est en forgeant que l’on devient forgeron.

"C’est en faisant soi-même ses affaires qu’on parvient à les savoir bien faire.

"Nous avons dit que par la répartition des heimathloses aux communes, répartition provoquée par elles-mêmes, les communes se trouvent engagées. Nous ajouterons qu’elles s’émancipent et qu’elles tendent, par ce premier pas, à reprendre, pour leur bonheur et pour celui du pays, l’autonomie que tendait à leur laisser perdre leur trop longue inaction, — autonomie qui, bien employée et sagement comprise, ne peut que tourner au profit de la liberté.

"Sous le nom de Gouvernement direct du peuple par le peuple (ou, ce qui est plus exact : Législation directe par le peuple), la démocratie européenne a discuté dans ces derniers temps un problème qui intéresse à un haut degré les esprits sincèrement libéraux.

"C’est au sein des monarchies elles-mêmes qu’est née cette idée du gouvernement direct du peuple, qui, en dotant les nations d’un régime véritablement rationnel et libre, les ramènerait, par un mécanisme savant, à réaliser avec avantage les institutions de la démocratie pure.

"Quelque opinion que l’on puisse avoir touchant cette proposition que nous ne voulons ni discuter ni même exposer ici, il est certain qu’elle a pour but de rendre sa spontanéité à chaque groupe social (ou communal) dans la nation et à chaque individu au sein de chaque groupe.

"Peut-être est-il réservé à nos communes de donner au monde le premier exemple de cette hiérarchie naturelle dans laquelle toutes les fonctions se trouveraient librement distribuées.

"Après s’être réparti les heimathloses, nous avons vu que les communes de notre canton seront conduites —  elles, sans l’intermédiaire desquelles aucun citoyen nouveau ne peut entrer dans la famille neuchâteloise, —  à offrir à l’Etat et aux étrangers qui viennent se fixer chez nous, des conditions qui, en facilitant les naturalisations, tourneront à l’avantage de l’Etat, des nouveaux citoyens et des communes elles-mêmes.

"Jamais peut-être nos communes ne retrouveront une aussi belle occasion d’entrer dans cette voie de renouvellement et de salut. Ce ne sont pas les gouvernements qui la leur ouvriront, si elles ne se l’ouvrent pas elles-mêmes. La tendance des gouvernements, —  aussi bien des républicains que des monarchiques, —  n’est pas d’émanciper les populations, mais bien plutôt de les tenir en laisse. Ils ressemblent fort, en cela, aux grands parents qui ne croient jamais que leurs petits-enfants pourront marcher sans leur direction et hors de leur surveillance, et l’histoire prouve que, comme l’émancipation des enfants s’est toujours faite en dépit des grands parents, l’indépendance des populations a toujours été obtenue malgré les efforts des gouvernements pour les retenir en tutelle.

"Or, voici que par une sorte de boutade dont nous ne nous plaignons point pour notre compte, puisqu’elle laisse au pays le temps de se reconnaître, de se concerter et d’agir, nos gouvernants, après avoir voulu enlever d’assaut la ratification d’une constitution revue et trop hâtivement corrigée, donnent au pays deux mois et demi de réflexion.

"Que diraient-ils, ceux qui tiennent à nous gouverner si, au bout de ces dix semaines, ils s’apercevaient que le pays travaille et s’habitue à se gouverner lui-méme, et, s’ils trouvaient toutes faites, toutes préparées par les pupilles, les solutions manquées par les graves tuteurs !

"Que diraient-ils si, au lieu d’un canton où la concentration des pouvoirs tend à tout absorber, —  à l’image, hélas ! de ce qui se passe actuellement dans la sphère fédérative, —  ils retrouvaient devant eux des communes en train de briser les liens d’une unité coercitive pour donner à la Suisse le spectacle d’une véritable fédération de communes ?..

"Pour cela nous n’avons qu’un conseil à donner aux communes, ou plutôt nous n’avons qu’à leur rappeler une vérité qu’elles connaissent aussi bien que nous : c’est que rien ne vient à ceux qui ne font rien. Qu’elles agissent donc ! C’est en agissant qu’on se fortifie : c’est en se fortifiant qu’on s’émancipe ; —  c’est en forgeant qu’on devient forgeron ! "


Dernièrement aussi le Drapeau, dans un article sur la vie parlementaire en Prusse, rappelait que l’idée de la législation directe y avait tué moralement le système représentatif. Nous prenons note de cette agitation qui se manifeste et menace les vieux partis. Nous en parlerons prochainement, au sujet des élections aux Etats-Unis.

C’est aux révolutionnaires à lui mettre l’aiguillon au flanc à cette république américaine, plus monarchique que les monarchies.


 

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