Un bon exemple.

Il est en Amérique un journal exceptionnel et qui devrait être mis sous les yeux de tous ceux qui lisent le français, c’est la Revue de l’Ouest.

Sans parler de ses articles éditoriaux, qui toujours témoignent d’une étude consciencieuse de l’homme et de la société, la Revue de l’Ouest reproduit dans ses colonnes tout ce qui peut intéresser les amis de la vérité. Ecrite dans un style limpide et calme, elle est l’organe intelligent de cette petite fraction d’hommes, nés dans les rangs de la bourgeoisie, mais qui, ayant acquis par le travail du cerveau le sentiment de leur valeur productive et par le travail du cœur le sentiment du juste, comprennent eux, que le règne des castes est à jamais passé ; qu’il n’y a plus de privilèges possibles, et que le temps est venu enfin de revendiquer avec le prolétaire et la femme, le droit à la liberté individuelle, le droit à l’égalité sociale.

Le Libertaire regrette que l’exigu[i]té de son format lui interdise trop souvent la reproduction de ce qui se publie de bon à St-Louis et ailleurs. Cependant il ne peut résister au désir de citer le passage suivant, extrait du dernier numéro de la Revue de l’Ouest :

" Les hommes qui se vantent de républicanisme professent un superbe mépris pour les honneurs, les respects, les déférences hypocrites dont on entoure l’enfance des princes. C’est avec un mélange d’indignation et de pitié que nous voyons tant de millions gaspillés pour le petit être assez heureux ou assez misérable pour être né d’un Bonaparte, tant de peine et tant de soins pris pour rendre sa vie magnifique et pour lui assurer l’obéissance de quarante millions d’âmes. Pour nous qui sommes enfin délivrés du système monarchique, ces absurdités paraissent tellement révoltantes que nous ne comprenons pas comment elles peuvent trouver encore des défenseurs sérieux. Cependant elles ne manquent pas d’apologistes, même dans nos rangs. Qu’importent nos paroles et nos protestations, quand nos actes disent tout le contraire de ce que nos lèvres affirment ! Quel est le riche soi-disant républicain, soi-disant démocrate, qui ne transmet pas sa fortune à son fils ou à sa fille, qui ne lui assure pas le moyen de vivre dans l’oisiveté, qui ne l’entoure pas d’un peuple de serviteurs, qui ne l’habitue pas à jouir de tout sans avoir rien gagné par son travail ? Si la conduite du particulier à l’égard de ses enfants est conforme à la raison, celle du monarque nous semble parfaitement justifiée. De la fortune de l’un à la liste civile de l’autre il y a la différence du moins au plus ; mais la loi qui protège la première et en garantit la transmission par héritage, aussi bien que la constitution monarchique par laquelle la seconde est autorisée, consacre un privilège, c’est-à-dire la jouissance d’un bien qui n’est ni proportionné au besoin du possesseur ni gagné par la voie légitime du travail ; l’hérédité civile est une infraction à l’équité comme l’hérédité politique, et la dynastie bourgeoise n’est pas moins odieuse aux prolétaires qu’elle exploite que la dynastie impériale à la démocratie qu’elle opprime. "


 

[article à imprimer]


 
[article précédent]  [article suivant]  [sommaire du n°3]  [accueil]