La Femme artiste et le Mari homme entretenu. I. Comme létudiant, dans un amphithéâtre, Du scalpel et de lil fouille une chair verdâtre, Méditant le remède en dissèquent le mal ; Ainsi, le front penché sur le corps social, De son vieil organisme affecté dinfamie Je fais, la plume en main, lacerbe anatomie. Puisse-je aussi trouver, par létude des murs, Lhygiène des curs. II. Lamour de cette femme et lenivre et lengraisse ; Cest à lui, cest son bien, lèvre et cur, corps et caisse. Il a lor de son âme et lâme de son or. Elle, elle a pour régner voix, talent, beauté, grâce, Un monde de croyants prosternés sur sa tracé, Des bravos, des bouquets, de lencens plus encor ! Eh ! bien, tous ces joyeux, parure tutélaire : Sacre de la nature, hommage populaire, Cortège damoureux, foule dadmirateurs, Triomphes de lartiste et charme de la femme, Elle met tout aux pieds de son hippopotame, Comme aux pieds des faux-dieux le sang, les fruits, les fleurs ! Il est le souverain de cette souveraine, Lui qui na pour attrait quune fatuité vaine, Lui qui na de talent que son talent dépoux. Lui qui, gras et faquin et frisant sa moustache, Sous la cloche-hyménée étale un air bravache, Morgue de choux-pommés, aplomb de cantaloups ! Ah ! pourquoi donc cet homme, image de ces brutes Vivant de pus humain, quon trouve au fond des chutes, Comme certains poissons dans légoût des torrents, Pourquoi cet homme aimé de cette femme artiste ? Ce désolant amour qui fait que lon sattriste De voir se perdre une âme en dimmondes courants ? Pourquoi le beau chez lune et chez lautre ignoble, Cette laide nature et cette nature noble, Difforme accouplement, contraste monstrueux ? Pourquoi ? Cest que la femme, esclave héréditaire, Na dautre amour encor que lamour mousquetaire, Cet amour bestial aux appétits morveux ! Cest quelle aime le muscle encor plus que la fibre ; Cest que le corps tressaille avant que lâme vibre ; Cest que naît la chenille avant le paillon, La chair avant lesprit, le fil avant la trame ; Cest quelle est plus encore femelle, hélas ! que femme ; Et quelle porte au coeur plus dun fangeux haillon ! Cest que la femme encore est une impure ébauche, Qui na rien dachevé quun corps pour la débauche, Une statue antique à qui manque le cur. Cest que le feu sacré, dont largile est la robe, Il faut quau sens moral son buste le dérobe Pour vivre de sa vie et ceindre le bonheur Cest que la femme en est encore à sa genèse : La forme est modelée il lui fait la fournaise Pour fixer à ses traits lémail du sentiment. Comme on pare de fleurs un front de fiancée, Il lui faut pour couronne un reflet de pensée, La pudeur de lamour, ce suprême ornement ! III. Le genre humain traverse une époque barbare : Son cur est un caillou, son amour une mare, Des miasmes dopprobre accompagnent ses pas. Son crâne est carié, son âme a la gangrène. Cela fait mal à voir, cest horrible ! une hyène En aurait du dégoût et ny toucherait pas Aussi, malheur à nous ! honte sur notre race ! Si la société nextirpe de sa face . Ce chancre qui tatoue au front lhumanité Il nest quun seul remède au mal qui nous dévore : Ce remède est au mal ce quaux nuits est lhorreur, Au passé lavenir, au joug la liberté ! Oui, cest toi, liberté, front dor dans les ténèbres, Qui, dardant de rayons les horizons funèbres, Feras fuir loin de nous lignorance aux yeux morts. Cest ton regard de feu qui, remuant nos âmes, Des sublimes amours fera jaillir les flammes, Et nous initiera à didéals transports ! Des sauvages instincts tuant la violence, Cest toi qui nous feras naître à lintelligence, Et feras de la brute un être social. Cest toi qui, nous sortant de ,nos langes fétides, Ouvriras à nos sens les firmaments splendides, Comme laile ouvre à laigle un parcours triomphal ! Viens donc, ô liberté, déité créatrice, Du bien comme du beau, viens épurer lesquisse De la statue humaine, en faire une oeuvre dart, Un marbre sensitif, digne de ton génie, LHumanité implore, ô Vénus uranie, Viens, et Vénus terrestre aura fibre et regard ! J.D. Nouvelle-Orléans, 1857. |