Revue Américaine.Le Boy papal huguenot. Le Carnaval électoral. Manifestations athéistes Le boy de la reine temporelle et spirituelle des Anglo-Saxons, lhéritier présomptif de la papesse Victoria, après avoir livré à la pieuse adoration de ses sujets et sujettes du Canada sa crétine figure de poupée, vient de prolonger sa tournée politique et religieuse sur lex-domaine de ses royaux pères, domaines qui, sétant affranchi naguère par la rébellion de la suzeraineté de Londres, comme Londres sétait affranchi de la suzeraineté de Romme, appartient aujourdhui directement aux politiciens, par la grâce ou lignorance du peuple, et aux bibliciens, par sa servile volonté ou sa crasse superstition en Dieu. A première vue, il pourrait paraître étrange quun prince, dépouillé de son héritage par un peuple qui a proclamé la république, fût accueilli par ce même peuple avec des ovations bruyantes et enthousiastes. Rien de plus naturel pourtant. La république américaine nayant de la chose que le nom, masque qui ne recouvre quune organisation toute monarchique, les bibliciens qui y règnent, les politiciens qui y gouvernent comme les riches aristocraties qui y exploitent et les misérables multitudes qui y produisent, tous ces esclaves qui se croient libres sont envieux et fiers, comme des parvenus, de frotter leur roture à un habit princier ; il leur semble quils sont un peu princes quand ils voient le prince se mêler à leur boue, sencanailler avec eux. Aussi, hommes et femmes, mères et filles, miliciens et pompiers, populace de tous sexes, de tous âges et de tous rangs, tous à lenvi font-ils assaut dagaceries pour obtenir de ladolescente majesté une marque particulière dattention, un coup de chapeau à distance ou une tape sur le ventre. Cependant, disons-le : En réalité comme dans la pensée de ceux qui partout depuis son arrivée se pressent sur son passage, lhommage offert au royal visiteur nest guère quun hommage indirect rendu par le royal visiteur lui-même aux visités ; des lettres de noblesse accordées par ce seigneur et maître dhier au valet séditieux et enrichi avec lequel il danse et fait vis-à-vis aujourdhui ; la reconnaissance, par le propriétaire légitime et dépossédé, par le ci-devant, de la propriété par droit descalade et deffraction, par droit insurrectionnel, et son acte de ratification aux mains des détenteurs actuels ; le souverain du temps jadis sinclinant au temps présent devant les fils des colons qui lont dévalisé de son patrimoine, et les saluant nation. Malgré toute leur badauderie, si les Américains navaient vu dans le petit de la Victoria quun rejeton du trône temporel aux armes dAngleterre, il est probable quils ne se fussent pas mis en aussi grands frais denthousiasme. Mais cétait encore et surtout le rejeton du trône spirituel, le boy papal huguenot, et, à ce titre, il était fatal que des populations, protestantes pour la plupart et surexcitées dans leur superstition par les événements du jour, le fêtassent et lacclamassent en haine de leurs frères ennemis les catholiques. Pauvres protestants, vieux réformés qui, malgré quelques succès superficiels, nont bientôt plus que ce choix : abjurer radicalement la bible et Jésus, cesser dêtre chrétien, devenir athéistes, ou bien se faire papistes, redevenir catholiques. Oui, catholiques ! Ne le sont-ils pas déjà, soit quils se rallient à la papauté orthodoxe ou romaine, ou à la papauté schismatique ou anglicane ? Ici comme partout, les catholiques et les protestants sont en guerre ; la preuve en est dans la lutte présidentielle. Que représente Lincoln, sinon le protestantisme avec toutes ses bigoteries, ses lois du dimanche et de tempérance, ses prohibitions de droits et de produits étrangers, ses intolérances politiques et religieuses ? Tout ce qui aux Etats-Unis jure par la bible, jure à lheure quil est par Lincoln. Quant à la question capitale, celle de lesclavage des noirs, on en parle peu, et pour cause, car ce que représente ce candidat eunuque, ce castrat du parti républicain, cest plutôt le statu quo que [labolitionisme]. Et maintenant quels sont les ennemis les plus acharnés du ticket républicain? les catholiques. Que représente le démocrate Douglas, de souche irlandaise et jésuite de naissance, sinon le catholicisme avec ses sourdes et ténébreuses menées, ses complots permanents, ses hypocrisies perfides, ses traîtrises sanglantes pour recouvrer ou conquérir en tous lieux la suprématie politique et religieuse, et semparer par la ruse et la force de tous les trônes comme de tous les fauteuils de la terre ? Tout ce qui aux Etats-Unis approche du confessionnal, Irlandais, Allemands ou Français, les fils de la verte Erin, comme les blonds enfants dune partie de la Germanie et les culottes rouges franco-bonapartistes, les gardes Lafayette, ces soldats du pape dont le révérend père Lafond est le général semi-officiel, semi-occulte, tous, les plus infâmes comme les plus hideux, voteront pour Douglas. En attendant le jour du suffrage qui doit faire la joie des uns et le désespoir des autres, le carnaval électoral continue. Les républicains et les démocrates, cest-à-dire les protestants et les catholiques, ont fait chacun leur grande démonstration processionnelle par les rues de New-York, leur descente de Broadway avec accompagnement de bannières et de transparents, de torches et de lanternes, de trompettes et de tambours, de pétards et de fusées, solennel et burlesque étalage de bruit, de fumée et dartifices qui, dans les jours gras électoraux, précède toujours limmolation de la bête, peuple-électeur, buf-souverain, dont lurne est labattoir et la Maison-Blanche la salle des galas où, le trouvant cuit à point et la fourchette sur le dos, les héros du scrutin, les hôtes et convives sacrificateurs en découpent chacun une tranche. Pauvre peuple américain ! Quand donc comprendra-t-il quen fait de suffrage accordés à des hommes, le meilleur nen vaut rien ; et que, pour ne pas être volé, le plus sûr est de voter chacun pour soi-même ; cest-à-dire ne jamais abdiquer pour un temps plus ou moins long son inaliénable et imprescriptible souveraineté. Certes, toutes ces [imbécilités] niaises ou méchantes, ce débordement de vices et de sottises sur la voie publique nest pas fait pour donner à lancien monde une haute idée de la faculté révolutionnaire et sociale des citoyens du monde nouveau. Cependant, le Mal, [exhubérant] à la surface, est travaillé subversivement dans ses entrailles ; le germe du Bien, moisson à venir, fermente sous lhorrible croûte, et la crève de temps à autres pour en faire jaillir de pures et consolantes protestations, éléments préparatoires de luniverselle révolte : témoin la tentative de Harpers Ferry, où de vaillantes tiges dhommes, animées de la sève qui bouillonne en bas, sont montées, têtes épanouies et parfumées et odorantes damour social, jusque sous latmosphère asphyxiante du gibet... Ah ! nous qui survivons à leur martyre, baisons avec attendrissement ces morts dans leur transformation souterraine, et demandons à leur reste éparts et revivant en nous la fécondation de nos vertus révolutionnaires.. Que chacun des détritus atomiques de ces pendus fasse repousser des milliers dhommes intelligents et braves, [leur] types et leurs vengeurs ! Les faux-amis de [labolitionisme], les intrigants du parti républicain peuvent, en vue descalader le pouvoir, renier et trahir, sils le veulent, la cause par laquelle ils sont : [labolitionisme] a assez de vrais amis pour triompher sans eux et contre eux. Lorgie électorale passée, il faudra bien, bon gré, mal gré, tenir compte du cri dindignation qui sélève du fond des consciences contre lesclavagisme. Bientôt les esclaves noirs seront affranchis ; et bientôt aussi, non-seulement les esclaves noirs, mais encore les esclaves blancs seront délivrés de la servitude : les producteurs seront libres ! La liberté est contagieuse, et après avoir dévoré en Amérique lesclavagisme plantorial, elle y dévorera le prolétarisme, cet esclavage bourgeoisial. Peut-être ne faut-il pour cela quun souffle de révolution sociale apporté dans ses flancs par un steamer transatlantique..... Déjà la raison humaine, lathéisme, vient davoir à New-York, métropole du nouveau monde, son parlement humanitaire, Jeu de Paume de lidée nouvelle. On y a formulé les résolutions les plus anarchistes. Hommes et femmes y figuraient de pair et sur le pied de la plus complète égalité, rivalisant dintelligence et de logique, pour décréter labolition de Dieu et des cultes, labolition du gouvernement et des lois, labolition de la propriété, de lexploitation, de lesclavage. Quand daussi audacieuses et saines pensées éclatent en paroles lumineuses au milieu dun peuple, officiellement mercantile, mais foncièrement travailleur, cest que les temps sont proches, et que le tonnerre va succéder aux éclairs, laction socialiste aux pensées. Si jai médit de toi quelque part, dans cet article ou un autre, ô peuple américain où grondent de semblables électricités, je me rétracte : tu nes pas seulement grand par le nombre, tu les aussi par lidée. Reprends ta place, fille de la vapeur, révolutionnaire Amérique, à lavant-garde des nations en marche ! ________
Voici quelques fragments des idées émises dans cette assemblée qui sintitule Convention des Infidèles : M. Horace Seaver, dans un discours douverture, dit quil y a quinze ans que la société existe ; que Robert Owen, entre autres célébrités, en fit partie, et quelle a pour but une radicale opposition au christianisme et à la révélation divine. Beaucoup de personnes, ajoute-t-il, pensent que le liberté de conscience est entière aux Etats-Unis ; cest là une erreur. Les athéistes y sont hors la loi, et ne sont libres que de subir les taxes imposées par la majorité superstitieuse à une minorité qui proteste, au nom de la philosophie, contre la religion, mère du mal. H. Shroder et [Jno.] J. McKinnon, dans une lettre où ils expriment le regret de ne pouvoir assister à la réunion, réclament en faveur des droits de lhomme et de labolition de lesclavage. AUSSI LONGTEMPS, disent-ils, QUE L'HOMME CROIRA EN DIEU, IL NE SERA PAS LIBRE. AUSSI LONGTEMPS QU'IL Y AURA UN ESCLAVE EN AMERIQUE, L'AMERIQUE NE SERA PAS LIBRE. M. Treat de lOhio, lit les considérants suivants, adoptés par lassemblée : Considérants que le bonheur est le but vers lequel lhomme doit tendre sans cesse ; Considérants que toutes les notions représentées par les noms de dieu, diable, péché, mort, jugement dernier, éternité, ciel, enfer, ont pour but de jeter leffroi dans les curs et de pervertir les intelligences ; Considérants que linfluence de ces notions ne peut que nuire au bonheur des hommes, et que rarement il ne se passe de jours où lhomme ne soit frappé de terreur et empêché dans sa marche par lun de ces mots ; Considérants que ces notions oppressives et perverses ont pour origine moderne la Bible ; que la Bible, par ses enseignements, a produit et ne pourra jamais produire que lerreur, et plonger les hommes dans une source de calamités ; Considérant que, partout où règne la Bible, elle exerce une influence délétère sur le bonheur des hommes, et les maintient dans des ténèbres perpétuelles ; Considérant que la Bible est un obstacle au libre développement des idées et à la marche progressive du genre humain vers le bien-être, il ny a pas lieu de la considérer comme livre sacré, mais simplement comme tout autre livre profane, susceptible de discussion et dexamen, et dont il faut accepter le peu de bon qui sy trouve et en rejeter tout le mauvais ; Considérant que les lois de tempérance, celles sur lobservation du dimanche, et particulièrement celles qui violentent les athéistes dans leur opinion et les traitent en proscrits dans la plus grande partie des Etats de lUnion ; que toutes ces lois de la fureur chrétienne sont indignes de lépoque contemporaine, et en même temps une confession de la faiblesse du christianisme ; que cest la violation flagrante des droits naturels ; en un mot, une croisade contre le progrès philosophique, contre le génie humanitaire, à la manière des édits des empereurs romains contre les premiers Chrétiens. En réponse à un interlocuteur qui se défend dêtre de la doctrine ou de la société de Jésus, mais qui pense, le pauvre homme ! quil faut une religion au peuple, Mme Ernestine Rose répond ainsi : Nous sommes informés par le préopinant que nous perdons notre temps et notre énergie, et que le terme Infidélité, employé pour nous qualifier, nous expose au ridicule et à lodieux aux yeux du monde. Je sais, en effet, que celui ou celle qui est assez courageux pour heurter cette chose immonde quon appelle Religion, est exposé à une persécution sans miséricorde. On nous invite à adopter un autre nom que celui dInfidèles. Si nous le faisions, nous déguiserions nos vrais sentiments, nous laisserions lâchement croire au monde que nous avons foi en un mythe que nous réprouvons. Ce serait le moyen peut-être dêtre reçu partout à bras ouvert. Mais ce moyen hypocrite, quant à moi, je le repousse. On nous répète souvent que nous démolissons et que nous ne reconstruisons rien. Que fait le chirurgien mandé auprès dun malade qui a un cancer à la jambe ? Il fait lopération et le lui enlève, est-ce que le malade sen plaint ? Non, parce que, lulcère enlevé, le malade est guéri. Détruisez la religion, et tout le système social revivra. Cest à labsence des principes humanitaires et à la présence des principes religieux, quil est dû de voir tant de criminels dans les prisons, les pauvres nègres vendus à lencan et la femme privée de ses droits naturels. Ce que nous voulons, cest détruire la religion, cause de tout cela. Et si quelquun nous demande encore ce que nous lui donnerons en retour, notre réponse sera celle-ci : Nous vous donnons à vous-même. La Religion a imprimé à vos fronts la tache originelle ; elle vous a [déclaré] déchus et tellement déchus quelle est impuissante à vous sauver : elle vous a [placé] dans un enfer, et nous venons vous tirer de cet antre sans fond et vous rendre à vous-même, à la lumière humaine.["] On parle de charité : la Religion ne devrait pas nourrir les pauvres, car il ne devrait pas y avoir de pauvres ; elle ne devrait pas être la consolation des prisonniers, car il ne devrait pas y avoir de prisonniers : la prison est un restant de barbarie chrétienne. Avec la moitié des sommes fabuleuses dépensées pour bâtir des églises, solder le clergé, entretenir le grand Moloch qui a nom Religion, on pourrait faire vivre dans labondance tous les enfants pauvres daujourdhui, leur donner le bien-être physique et moral, et en faire, au lieu de criminels, de bons et libres citoyens. Alors quon n'aura plus déglise, on n'aura plus besoin de prisons. Résolution par M. Murray : Résolu que Charles Summer a été frappé en plein sénat, et John Brown pendu en place publique par les souteneurs de la Bible et de la Constitution, qui, à elles deux, légalisent et sanctifient lesclavage, proscrivent et damnent la Liberté ; Que le brutal et sanguinaire système de lesclavage aux Etats-Unis a sa puissance vitale et sa perpétuité dans le faisceau gouvernemental des Etats ; Que lUnion, organisation autoritaire et centralisative, est un moyen de compression permanente de la liberté et dextension de lesclavage, et que, par conséquent, elle rend la paix impossible et la guerre inévitable. Le Libertaire est forcé de clore ici les citations ; lespace lui manque, et les traducteurs encore plus. |
[article précédent] [article suivant] [sommaire du n°26] [accueil]