FEUILLETON.



Il va sans dire que la pièce de vers suivante n'est pas une insulte à la femme : c'est une satire de la femme telle que la Sauvagerie, la Barbarie et la civilisation l'ont faite. Personne, sinon autant, du moins plus que l'auteur, ne rend justice à l'être féminin, cette variété sexuelle de l'être humain ; et s'il publie aujourd'hui cette critique un peu acerbe de la femme, sa sœur, c'est comme pendant à ses critiques analogues des prolétaires, ses frères, et afin d'exciter chacun et chacune à la haine et au mépris de la Civilisation, à l'amour et à l'estime d'une ère nouvelle de Liberté et de Progrès, d'Harmonie.

Amour et Pauvreté.

Aimer ?... folie à nous ! — L'amour est une ivresse
Que la femme réserve aux preux de la richesse.
Le pauvre n'en obtient qu'un sourire moqueur.
— L'or est le seul amant, ô femmes qui touche !
Aux fols soupirs du gueux, le mépris sert de douche,
Et change en cabanon le doux nid de son cœur.

Pauvre... enfouis l'amour, tendre et vive colombe,
dans le creux de ton sein, comme au fond d'une tombe
On enferme à jamais un corps enseveli.
Pauvre... dévore en toi, jour par jour, miette à miette,
Et la moelle et les os de ton rêve—squelette,
Ou bien le pétrifie aux sources de l'oubli.

— Au milieu des cités, à travers les campagnes,
Regarde ces galants au bras de leurs compagnes
Ce sont les potentats, les favoris de l'or.
— Au seigneur du lingot le harem, les sultanes,
Les coups—d'œil, les baisers, la chair des courtisanes...
— L'eunuque est celui—là qui n'a point de trésor !...

Regarde... ou si tu veux, à tes périls et risques,
Courir de rêve en rêve après ces odalisques,
Le dégoût te prendra à moitié du chemin.
Elles n'ont d'attrayant que l'humaine apparence.
Leur torse est de l'osier, panier sans conscience ...
— La ruche attend encore son vivifique essaim ! ...

Tu parlerais en vain de ton âme à leur âme,
Ame sourde et muette !... — Ah ! la torche a la flamme,
Le phare a la lumière et l'astre les rayons...
La femme, elle, n'a rien ; c'est une froide bûche
— Couvre de cendres d'or l'écorce ou la peluche,
Noël ! alors, — Noël et jubilations !

Si de blond minerai tu n'as ta poche pleine
Et n'en vide à ses pieds la métallique veine,
Perds l'espoir d'aviver l'idole au trône impur...
— Il faut des temps meilleurs et des races nouvelles
Pour que la chrysalide, ouvrant ses jeunes ailes,
Brise sa coque d'ombre et contemple l'azur !

— Quoi ! la femme est cela ? — La femme est pire encore
L'idéale beauté pourtant verra l'aurore.
La femme... oh ! honte à qui l'a faite ce qu'elle est !
— C'est toi, riche indolent, c'est toi, Juif catholique,
C'est vous tous, fils du vice, engeance rachitique,
Qui l'avez façonnée à l'image du laid...

C'est vous, — cœur sans droiture, intelligences croches,
Echalas déjetés, vieux manches à bamboches,
Fronds** tords, esprits—cerceaux, — qui fûtes son tuteur...
Et vous l'avez faussée !... et jusqu'à sa racine
Vous avez incliné sa tige, sa poitrine,
Et roulé dans la boue et sa grappe et sa fleur !!

J. D.

Nouvelle-Orléans, 1837.


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