Feuilleton.Les Civilisés de la Décadence OU LES MARTYRS DU SOCIALISME Drame en un acte. PERSONNAGES
SCÈNE PREMIÈRE. Mme DUFOURNEAU, MARIETTE.Mme DUFOURNEAU. On voit bien que c’est aujourd’hui dimanche ; déjà mamzelle ma nièce qui s’apprête pour la promenade. Heu ! les jeunes filles de ce temps-ci, ça ne pense qu’à se divertir. — Ne ferais-tu pas mieux de passer ta journée auprès de moi, à me tenir compagnie ; m’aider, pour te distraire, à balayer la cour ou les escaliers ? — Ah ? ce n’est plus là la jeunesse d’autrefois ! MARIETTE, après avoir déposé son schall et son chapeau sur la fenêtre de la loge.Voyons, bonne tante, quand on a travaillé toute la semaine pendant quinze et seize heures par jour, il est bien permis le dimanche de prendre un peu de liberté. Et puis, vous savez, je lui ai promis, à lui, de l’accompagner au musée du Louvre ; c’est le dernier jour de l’exposition de peinture. Mme DUFOURNEAU.Lui, toujours lui, ton Christin ; quelque chose de hupé**, ma foi ! un ouvrier qui n’a pas un sou vaillant ; un paresseux qui est toujours fourré à la Bibliothèque ou à l’Ecole des Arts et Métiers. MARIETTE.Le soir, ma tante ; — il n’y va durant le jour qu lorsqu’il n’a pas d’ouvrage à l’atelier. Mme DUFOURNEAU.Oui, plutôt que de rentrer se coucher de bonne heure, comme un jeune homme sage et économe doit le faire ; sa journée n’est pas sitôt finie que c’est pour courir s’amuser. S’il n’est pas à la Bibliothèque, il est au théâtre ou bien à suivre des cours de dessin ; de chimie, de mathématiques, nu tas de niaiseries, quoi ! — Ça voudrait en savoir plus que les maîtres ; ça passe ses nuits à lire, à crayonner ; ça ruine sa santé et sa bourse à ce train-là ; et puis, le matin, il faut le réveiller par trois fois avant qu’il ne se lève pour aller à la besogne : un fainéant, je te dis, un vrai fainéant. MARIETTE.Travailler le jour et veiller la nuit, vous appelez cela de la fainéantise. Oh ! ma tante, vous n’êtes pas raisonnable. Le désir de s’instruire, la fièvre de la science peuvent seuls l’aider à vaincre tant de fatigues. Mme DUFOURNEAU.C’est cela. Je te conseille de le défendre. Il t’a déjà toute pervertie ; tu n’es plus la même. La nuit dernière, j’ai vu de la lumière à la lucarne de ta chambre ; et je parierais que tu n’usais pas tes yeux à faire des coutures ; ce n’est pas à travailler qu’on veille si tard. Il te prête des romans, j’en suis sûre, et tu brûlais de la chandelle à les lire, hein ? dépensière ! MARIETTE.Où est le mal, si je me prive sur autre chose ? Mme DUFOURNEAU.Et moi je te dis que je ne veux pas que tu te rendes malade. Après, il faudra que j’aie soin de toi, n’est-ce pas ? Tiens, tu es une enfant dénaturée ; tu n’écoutes pas a tante ; tu ne sauras jamais te faire une position. Dernièrement encore l’on t’a offert la place de femme de chambre chez la marquise de Montvermeil ; tu aurais eu de beaux gages, de belles robes. Ces dames du faubourg Saint-Germain ça en a tant à se mettre sur le corps que ça n’est pas chiche en cadeaux — Ma nièce en condition chez les gens du grand monde ! Dieu de Dieu ! j’en étais folle d’orgueil, rien que d’y penser. Les commères du quartier en seraient crevées de dépit. Quant à un mari, tu n’aurais eu que l’embarras du choix, un premier valet de pied ou un cocher à la Louis-Quinze, tout ce qu’il y a de plus comme il faut, c’est comme je te le dis. C’était une occasion magnifique, un vrai lingot d’or pour toi. Mais non, mamzelle a refusé net. Elle aime mieux rester ouvrière, fréquenter la crapule, et pourrir toute sa vie sur la paille. — Vois, moi, si je n’avais pas été en maison, durant de longues années, est-ce que j’aurais pu m’amasser de petites rentes, mettre quelques sous de côté pour mes vieux jours ? Je me fais vieille, et il viendra un temps où je ne pourrai plus travailler du tout, où l’on ne voudra plus de moi comme concierge. Ah ! si mon pauvre défunt cher maître vivait encore, je serais toujours cuisinière ; j’aurais encore pour moi l’anse du panier, mes petits profits secrets en sus de mes gages !... Vois-tu, il y a toujours plus de bénéfice à être chez les autres que chez soi. Et quand je pense que tu as refusé !... Miséricorde ! — Femme de chambre d’une marquise, mais c’était ton sort assuré, malheureuse ! MARIETTE.Ma tante... toujours les mêmes reproches. Vous savez bien pourtant que tout ce qu’il est possible je le ferais pour vous être agréable. Mais il y a des choses qui répugnent à ma manière de voir. Vous avez vos préjugés, j’ai aussi les miens. Dans la pension de demoiselles où ma pauvre mère était lingère et où j’ai été élevée jusqu’à sa mort, ni ma mère, ni mes compagnes de classe ne m’ont appris à aimer la servitude. Et, quelque honorable que vous paraisse la condition de femme de chambre, j’ai trop de fierté au cœur pour la préférer à celle d’ouvrière. Dans l’une c’est bien plus la maîtresse que le service qui donne des ordres, dans l’autre c’est le travail bien plus que la patrone** qui commande. Il y a, je la sais, plus de peine et moins de profit à être ouvrière, mais aussi il y a plus d’estime de soi-même, et c’est là une satisfaction qu’on ne saurait payer trop cher. Vous ne voudriez pas m’en priver, n’est-ce pas, bonne tante ? Allons ! la paix. Ne parlons plus de ce qui est passé, et embrassez-moi ? Mme DUFOURNEAU.Voilà, je suis trop bonne, je cède toujours, et ce sera ton malheur. MARIETTE.Dites mon bonheur. Mme DUFOURNEAU.Ecoute, je veux bien faire la paix ; je te pardonne pour cette fois, mais à une condition, c’est que tu consentiras enfin à épouser M. Rapinard, l’épicier du coin. Tu le sais, depuis longtemps il te recherche pour le bon motif ; c’est un parti très comfortable** ; le mari qui te convient. Et ce n’est pas un homme à brutaliser une femme, lui, — au contraire : une bonne pâte d’homme, que tu mènerais comme un enfant par le bout de l’oreille. Et puis, c’est toi qui tiendras la caisse ; tu serais là dans ton comptoir comme une reine sur son trône. MARIETTE.Oui ! un trône de caisse de savon avec un dais de pains de sucre ; et, pour l’odorat, des senteurs de suif et de hareng-saurs ! Une reine de boutique avec un sac de gros sous et à tête de Midas pour roi ! — Ah ! ah ! ah ! quel joli trône et quelle jolie royauté j’aurais là, et surtout quel mari pour une reine ! Ah ! ah ! ah ! Mme DUFOURNEAU.Te tairas-tu ? as-tu fini de ricaner ? Voyez, la pimbêche, si elle ne lasserait pas la patience d’une sainte ? Veux-tu que je te dise : tu es une mauvaise nature ; tu n’aimes pas ta tante ; tu te damnerais plutôt que de faire quelque chose pour la contenter. Aussi, je t’abandonnerai, comme une abandonnée de Dieu que tu es, et je ne m’occuperai plus de ton avenir. MARIETTE.Ma tante... Mme DUFOURNEAU.Pourtant, tu serais si heureuse, si tu voulais... Je serais si glorieuse de toi, si tu suivais mes conseils... Tu as de l’instruction, tu sais lire, écrire et calculer comme une institutrice ; tu as frais minois et gentille tournure ; et tu ne veux pas profiter de tout cela pour fair ton chemin. MARIETTE.Ah ! le bonheur n’est pas sur le chemin aride de la cupidité, il est dans les sentiers fleuris du cœur et de l’intelligence. Ce que je veux, c’est un mari qui puisse me comprendre et avec lequel je puisse faire échange de sympathies. Mme DUFOURNEAU.Eh bien, et le fils du propriétaire ? Encore un dont tu pourrais devenir la femme, si tu savais t’y prendre. Un fils unique, et qui aura cette maison en héritage, sans compter tout l’argent que le papa Vendachon a chez son notaire. Un jeune homme qui gagne son pesant d’or dans le magasin de nouveautés où il est premier commis et où, l’an prochain, il remplacera un des quatre associés. Et avec cela, un fashionnable, j’espère ! Et si aimable ! Personne que lui n’a plus d’égards pour moi, depuis que tu habites la maison : c’est Mme Dufourneau par-ci, Mme Dufourneau par là, Mme Dufourneau long comme le bras. Il raffole de toi ; il ne demande qu’un peu de temps pour décider ses parents à ce mariage. MARIETTE.De grâce, ma tante... Mme DUFOURNEAU.En attendant, il te ferait admettre dans un établissement comme autrefois Saint-Denis pour les filles d’honneur ; une manière de pensionnat ou de couvent tenu par une dame fort respectable et de la vieille noblesse, à ce qu’il paraît, Mme de Saint-Félix. L’établissement est placé, m’a-t-il dit, sous le patronage des personnes les plus distinguées du clergé et de la finance ; et c’est sous leurs yeux qu’on y achève l’éducation des grandes demoiselles sans fortune. Les salons de réception où se tiennent ces demoiselles, et où sont autorisés à les visiter que les gens de la plus haute volée ; ces salons sont d’un luxe, oh ! mais d’un luxe, à ce qu’il assure... partout des tapis de velours, des rideaux de velours, des canapés de velours ; des glaces énormes, qui couvrent tous les murs, et où l’on se voit des pieds à la tête ; des pendules dorées, des vases dorés, des lustres dorés ; et, aux plafonds, des peintures religieuses représentant la Sainte-Vierge assise sur des roses, avec le Saint-Esprit sous la forme de colombes, et de beaux petits anges avec des flèches qui voltigent dans les nuages ; un paradis en miniature, quoi ! — Eh bien, ce bon jeune homme, au lieu de chercher à lui plaire, au lieu de le remercier de ses généreux procédés, tu lui tournes le dos ; tu ne veux pas seulement lui répondre quand il t’adresse la parole. En vérité, je ne te comprends pas. MARIETTE.Comment !... ne voyez-vous pas, ma tante, que tout cela n’est que mensonge et perfidie ? — M. Vendachon est un imposteur, et ce qu’il veut c’est tout simplement le déshonneur de votre nièce. Mme DUFOURNEAU.Jésus, Marie ! Lui, vouloir te déshonorer ? Oh pour le coup, c’est trop fort ; tu es une ingrate. — Un jeune homme si comme il faut ! — C’est encore ce gueux de Christin qui te met de pareilles idées en tête. Mais tu es ma nièce, et je ferai bien voir que je suis ta tante ? Il ne sera pas dit qu’un vaurien, qui a été sur les pontons, un insurgés de Juin, viendra jeter le trouble dans ma famille sans que je ne fasse rien pour y mettre ordre. Je connais sur lui des choses... enfin, suffit. Je m’entends, et tu m’entends aussi. Je n’aurais qu’un mot à dire pour l’envoyer faire un tour à Cayenne ; il serait là en pays de connaissance avec ses autres amis les forçats. Ah ! mais, si l’on me pousse à bout, l’on verra... Ah ! mais !... MARIETTE.Oh ! ce serait abominable, et vous ne feriez pas cela, ma tante ? Mme DUFOURNEAU.Abominable tant que tu voudras. mais le salut de ma nièce avant tout. Songe-s-y, si tu sors encore avec lui, si tu lui reparles, je ne répond de rien. (Elle sort.) SCÈNE II MARIETTE, puis CHRISTIN.MARIETTE, seule. Ah ! si pareille chose arrivait, j’en mourrais, je crois !... CHRISTIN.Eh bien ! chère Mariette, sommes-nous prêts ? — Mais vous avez l’air tout triste... des larmes... que vous est-il donc arrivé ? MARIETTE.Ma tante m’a défendu de sortir avec vous ; elle ne veut pas que je vous parle. CHRISTIN.Vous n’êtes pas sous sa tutelle ; votre tante n’a aucuns droits sur vous. Qu’importe donc ses ordres, si votre bon plaisir est de me rendre heureux. MARIETTE.Aussi, n’est-ce pas cela. Mais elle m’a menacé de vous faire arrêter si je ne me conformais pas à sa volonté ; et j’ai peur qu’il nous arrive malheur. Votre transportation de Juin vous rend suspect ; en Décembre vous avez été blessé à une barricade ; et ma tante le sait ; ne fut-elle pas, avec moi, votre garde-malade ? — Hélas ! il ne faudrait qu’un moment de mauvaise humeur pour qu’elle vous dénonçât ! Christin, comprenez-vous maintenant pourquoi je suis triste ?... CHRISTIN.Ma douce Mariette, séchez ces belles larmes ; rassurez-vous. Votre tante a plus d’ignorance au cœur que de méchanceté. Trente ans de domesticité ont fait de la paysanne une vieille fille en proie à tous les stupides préjugés de son époque ; elle rêve pour vous, qui êtes son orgueil, des jours tissés d’or ; et, cette menace, elle ne l’a faite que pour vous violenter ; mais, croyez-le bien, elle ne songe nullement à l’accomplir. MARIETTE.Je le crois comme vous, oh ! certainement... néanmoins cela m’a toute bouleversée. CHRISTIN.Loin de nous ces alarmes qui font trembler à vos paupières des perles, perles humides de tendresse, il est vrai, mais qui répandent leur ombre là où je voudrais toujours voir briller le sourire. Ecartons de nous ces terreurs paniques. Parlons de vous ; Mariette, de vous seule. Voyons, regardez-moi : vous êtes jolie à rendre toutes les femmes jalouses. Laissez-moi vous complimenter sur votre toilette : votre robe neuve est du meilleur goût ; elle vous sied à ravir. La jupe a de l’ampleur ; les plis en sont bien drapés ; le corsage dessine gracieusement votre taille. Ah ! ce ne sont pas seulement les femmes, mais les fées à qui vous feriez envie. Et pourtant, vous n’êtes chargées ni de bracelets d’or, ni de colliers de diamants. Et vraiment vous n’en avez que faire : c’est bon pour quelque reine de sauvages, beauté difforme et amoureuse de la difformité. Mais vous, ange-humain, la nature a mis à votre cou de trop belles attaches, vos bras ont de trop purs contours pour que vous ayez besoin de les cacher sous l’or et les pierreries. Vous êtes mille fois plus charmante sous votre élégante simplicité que la plus aristocratique grande dame sous les ornements de l’opulence. MARIETTE.Bien vrai,... moqueur ? CHRISTIN.Votre miroir ne vous le dit-il pas comme moi ? — Allez ! tous les pastels exécutés sur bosse et sur chair avec les estompes d’un nécessaire de toilette, tous les tatouages de blancs, de bleu et de carmin dont les reines de salon décorent leur figure ne valent pas l’incarnat de satin naturel dont votre visage est paré. Tous les grelots des femmes ou des îles Marquises, les lourds anneaux d’or que se suspendent au nez et aux oreilles les lionnes de Paris ou de Tahiti ; tous ces pendants, toutes ces sonneries, tout ce clinquant ne saurait rivaliser avec les boucles de cheveux noirs qui sont les joyaux de votre tête. Pauvre et jeune fille, vous, vous portez avec art la grâce et la beauté naturelle à la femme ; — riches et sottement coquettes, les autres cheminent sous la housse du ridicule. Il y a de vous à elles la distance du erre à terre à l’étrier, la différence de l’Amazone à la mule. MARIETTE.Si vous continuez, prenez garde ! vos louanges, vos flatteries me rendront vaine, et la vanité est ce qui perd bien des jeunes filles. CHRISTIN.Quand la louange est adulatrice, oui ; mais quand elle est l’expression de la vérité, elle ne saurait être dangereuse. Faire l’éloge de la vraie grâce et de la vraie beauté c’est faire en même temps la critique de la forme prétentieuse et de mauvais goût. MARIETTE.Tenez, Christin, je vous l’avouerai, je suis comme vous, j’éprouve un sentiment de honte et de pitié à voir un ouvrier ou une ouvrière chercher à singer les riches. Vous souvient-il, il y a quinze jours, au bois de Boulogne, de la rencontre que nous fîmes ? une camarade d’atelier avec son mari. Etaient-ils ridicules ! elle, avec son ballon de crinoline, sa robe jaune, son schall vert, son chapeau bleu à rubans écossais, et ses bijoux en cuivre verni. Le sentier était trop étroit pour lui livrer passage. Elle avait déjà fait deux accrocs à sa jupe ; pauvre jupe ! elle a dû revenir en lambeau d’une si périlleuse excursion. CHRISTIN.Et lui donc ! était-il guindé et mal à l’aise sous ses harnais de parade, avec son habit vert-pomme dont le bas des manches lui étranglait les poignets et dont le collet lui poignardait la tête ; et son chapeau de soie noire, sorte de tambour funèbre reposant sur les ailes empesées et toutes grandes ouvertes de son faux-col ; ses lourdes bottes de sergent-de-ville, et son pantalon blanc moucheté de rose, trop étroit pour les tiges de ses bottes ; ses larges mains gantées de coton jaune et qui ressemblaient à s’y méprendre à des gantelets d’escrime. On eut dit un mannequin planté en terre pour servir d’épouvantail aux petits oiseaux. Et tout cela, pour avoir l’air d’un bourgeois, d’un môsieu, pour paraître ce qu’on n’est pas : imitation toujours burlesque qui fait de l’homme d’atelier, svelte et harmonieux dans es mouvements sous la blouse de la semaine ou la blouse des dimanches (il montre son paletôt**-sac), quelque chose de moins qu’au valet sous les accoutrements du maître. Prolétaires, prolétaires ! quand cesserez-vous d’être plus bourgeois que les bourgeois ? N’est-ce donc pas assez de l’esclavage physique et forcé, et vous faut-il encore l’esclavage volontaire et moral ?... MARIETTE.Mon ami, plaignons ceux qui se font les esclaves extravagants de la Mode, mais ne soyons pas injustes envers eux. Rappelez-vous ce que vous disiez à ce sujet : Le dimanche est le jour de libération des forçats du travail, et il n’est pas étonnant que le samedi, en quittant la bagne, ils déposent aussi la casaque de toile bleue ou grise pour revêtir un costume qui les déguise en oisifs et leur permette l’entrée des lieux publics. Il est pénible, après tout, de rester à la porte, faute d’un chiffon de plus ou de moins, quand, à l’intérieur, d’autres sont là qui vous raillent par le bruit de leurs amusements. CHRISTIN.Hélas ! Mariette, vous avez raison, ils sont plus à plaindre qu’à blâmer : esclave ! on ne l’est jamais que forcément... MARIETTE.Eh ! mais ! et l’heure du Musée que nous oublions. Vite, mon schall**, mon chapeau... Vous savez, il faut un chapeau pour aller au Louvre... CHRISTIN.Oui, c’est vrai... c’est comme à Mabile : une mise décente est de rigueur... Mise décente ! comme s’il n’y avait pas plus de pudeur sous le petit bonnet de l’ouvrière, sous la robe d’indienne, taillée et cousue par elle, que sous les mantelets de soie et les voiles de dentelles portés par la débauche et achetés au prix de la prostitution... MARIETTE.Me voici : partons-nous ? CHRISTIN.Partons, ma Mariette. (Elle lui prendre bras. Il lui baise la main.) |