Les Deux Plateaux de la Balance.

La “ Liberté ” de l’Esclavage et la Liberté de la Presse.

Les démocrates esclavagistes du Kentucky ont mis à sac l’imprimerie d’un journal abolitionniste de Newport, le Free South. Après avoir fait le siège de la maison et en avoir enfoncé les portes à coups de poutre, ils ont pénétré dans l’intérieur, ont brisé la presse, enlevé les caractères, en ont promené les débris par les rues et sont allés ensuite les jeter à la rivière.

Ces honnêtes et modérés, pour mettre à exécution leur razia, n’ont eu à combattre qu’une courageuse femme, la fille du journaliste, mis[s] Elennor, qui tenta, mais en vain, de s’opposer l’invasion de l’imprimerie en lançant du haut de la fenêtre des morceaux de briques aux chevaleresques champion de l’esclavagie.

On ne dit pas que M. Buchanan ait envoyé les soldats fédéraux à Newport pour y protéger la propriété de presse comme il les a envoyés à Harper’s Ferry pour y protéger la propriété de chair humaine. Cependant, au point de vue constitutionnel, c’était pour le moins aussi urgent cette fois que l’autre, car si à Harper’s Ferry il y avait dix-huit abolitionnistes pour mettre en péril deux mille esclavagistes, à Newport il y avait cent cinquante esclavagistes pour mettre en péril deux abolitionnistes : un homme et une femme...

Cette balance de la Justice, je ne sais ce qu’en pense le lecteur, mais moi j’ai beau m’écarquiller les yeux à chercher l’équilibre, je vois toujours un des plateaux plus haut que l’autre.

Quand donc les peuples comprendront-ils qu’en fait de gouvernement le meilleur ne vaut rien, que le gouvernement c’est Dieu en miniature, que Dieu c’est l’arbitraire et que l’arbitraire c’est la justice à faux-poids

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