PETITE REVUE.

Pensée et action. — Un meeting, aux couleurs de Mazzini, a été tenu le 14 janvier à New-York. Le président, un ventru qui parle quatre langues, mais qui ne parle pas la bonne, le "savant professeur" Fuster, comme on l’appelle, y a débité des paroles dans le goût de celles-ci : "Le grand Napoléon ! pas le Petit..." en rappelant avec orgueil que son père avait été grenadier sous l’Oncle. Un des assistants, pour l’avoir interrompu en disant que l’oncle ne valait pas mieux que le neveu, a été expulsé de la salle sur un signe de l’orateur et rédacteur Struve, un autre vieux de la vieille qui oscille de la tête, comme ces bonshommes de plâtre placés sur les cheminées, à chaque applaudissement de son auditoire.

Et tous ces gens-là s’intitulent républicains-socialistes ! Singulière pensée pour des républicains-socialistes que de vénérer le "Grand-Napoléon !" Singulière action que de mettre à la porte celui qui proteste contre pareille pensée.

Piété filiale. — L’Association internationale a eu, le 21 janvier , un banquet à Newark auquel assistait une partie de la section de New-York. La plus grande cordialité régnait entre les convives. On a, dans cette soirée, fait échange de beaucoup de bon vouloir révolutionnaire, beaucoup plus assurément que de vrai savoir.

Inutile d’ajouter que, pour sa part, le Libertaire n’est pas le partisan de ces exhumations de souvenirs patriotiques qui souvent sont un anachronisme pour l’époque actuelle. Il n’est guère plus amateur des toasts au civisme de défunts nos pères que des messes pour le repos de leurs âmes. Pour célébrer dignement la mémoire de nos devanciers, mieux vaudrait, selon lui, fêter les dates anniversaires des grandes découvertes ; celles du mouvement de la Terre, par Galilée ; de l’Amérique, par Colomb ; de l’imprimerie, par Gut[t]e[m]berg ; de l’attraction, par Newton, Saint-Simon et Fourier ; de la vapeur, par Salomon de Caus, Papin et Fulton. Ou encore, parmi les annales populaires, les jours d’insurrection vraiment révolutionnaire et sociale : la révolte des esclaves de Rome ; la Jacquerie ; Juin 48.

Il faut décapiter sur nos lèvres comme dans nos cœurs l’amour sacré de la patrie, nous les enfants de l’Humanité.

Offres et demandes. — Le comité de la Pensée-Populo-Santé est devenu le centre d’Action, un bureau de placement européen. Tout un chacun, dont la spécialité est de servir la Cause, s’empresse de s’y faire inscrire, afin d’obtenir, un jour ou l’autre, une bonne place et de bons gages chez les peuples qui ont des classes inférieures à conduire et à brider, et qui sont mécontents de leurs impériaux cochers, de leurs royaux domestiques. Les valets de Chambre-constituante, les serviteurs de préfectures, les délégués d’état-major, les montagnards à pied et à cheval, les sous-gouvernants en disponibilité, tous les larbins en quête d’emploi font queue aux abords de cette agence de publicité pour annonces et réclames électorales. Il y en a même qui accepterai[en]t d’être portier[s] de grande prison, des ressemeleurs de cothurne antique, des raccommodeurs de pourpre consulaire, d’anciens braillards de toute Saison, des conspirateurs éclopés et qui, n’y voyant plus goutte, travaillent dans le vieux et feraient tout ce qui concerne leur état.

C’est égal, qu’ils continuent à lancer des circulaires, tout cela a du bon, car, si tout cela met les masques en évidence, ça les use, et, en définitive, ça tourne au profit du progrès.

"En avant, Bourgeois et Francs !"

Poisson et poison. — Victime, non d’un poisson d’avril, mais d’un poisson de St-Malo, espièglerie de police, lors du passage en cette ville des époux Montijo et Bonaparte, un proscrit de Décembre, aujourd’hui détenu en prison à Guernesey pour frais et amende, vient de publier une Lettre "aux proscrits républicains" au sujet de ce "prétendu complot d’empoisonnement" et des péripéties du procès.

Envers et contre la bourgeoisie. — L’Association internationale de Londres a aussi publié un manifeste en réponse aux intrigues unionistes. Peut-être aurait-il pu être plus concis d’une part, plus précis de l’autre. Quoi qu’il en soit, il est écrit dans un bon esprit révolutionnaire, comme nos lecteurs peuvent en juger.

A l’union des faiseurs le prolétariat riposte en provoquant à l’union des producteurs, et à la chose de quelques-uns par la chose publique.

Les révolutionnaires de toutes classes, les anarchistes sincères diront comme nous : Hourra ! pour la révolution sociale !

Aux Républicains, Démocrates et Socialistes de l’Europe.

Frères. — Le Patriote Italien, Joseph Mazzini, le représentant de la Bourgeoisie républicaine, qui a inscrit sur son drapeau : "Loi et Ordre," a fait appel à la Démocratie il y a quelque temps, dans son journal, en vous disant d’écarter les problèmes sociaux qui vous divisent en ce moment, et de vous unir à la Bourgeoisie pour renverser la tyrannie qui déshonore et avilit les peuples aujourd’hui, laquelle, à moins d’être arrêtée dans sa marche, menace d’éteindre la dernière étincelle de liberté qui nous reste, fruit de luttes qui ont été si profondes dans les masses de ce côté de l’Atlantique, depuis soixante-dix ans, pour le droit, la justice et la vérité.

Nous admettons la justice et la vérité de la cause plaidée par Mazzini, et nous n’hésitons pas à dire qu’il faut enfin en finir avec les tyrans de tous genres, et par tous les moyens possibles. Mais avant de nous rallier à aucun appel, nous croyons qu’il est de notre devoir de déclarer que nous voulons conserver nos principes, et que jamais nous ne marcherons avec ceux qui ont inscrit sur leur bannière : Propriété et Ordre, et nous espérons que nos frères suivront notre exemple.

Pourquoi Mazzini ne demande-t-il pas à ses amis de mettre à l’écart leurs tendances pl[u]tocratiques ? Pourquoi ne leur dit-il pas que la justice est la meilleur politique ?

Et il s’imagine vraiment que nous consentirions à nous unir à des hommes qui, une fois le pouvoir dans leurs mains, s’en serviraient pour eux, et qui ne seraient pas moins tyranniques que ceux qu’ils veulent renverser, et pour lesquels ils nous appellent en aide.

Nous laisserons Mazzini répondre à ces questions, comme nous supposons qu’il doit mieux connaître les motifs qui l’ont poussé à tenter de créer une union entre deux partis dont les principes sont si opposés, et qui, le but pour lequel ils se seraient unis une fois atteint, deviendraient aussitôt ennemis mortels. Supposons l’union vers laquelle le triumvir romain tend à nous conduire obtenue, et le but atteint, croyez-vous que notre condition sociale serait de beaucoup améliorée ? Nous n’hésitons pas à répondre non ! La seule chose que nous puissions gagner serait un changement de maîtres.

Une union entre le parti socialiste est vraiment désirable, — nous pourrions même dire de toute nécessité, — et à ce effet les membres actifs de notre association se sont plusieurs fois déjà occupé de cette question importante ; mais ils ne peuvent pas et ne veulent pas s’unir, ni ne veulent vous engager à le faire avec un parti dont les principes sont si contradictoires ; notre adhésion à leur appel serait un crime que nous commettrions sur nos frère les Prolétaires.

Les tendances de Mazzini sont parfaitement visibles pour tous ceux qui veulent réfléchir un instant à ce sujet. Ce qu’il veut est tout simplement ceci : l’indépendance de sa patrie, c’est-à-dire se débarrasser des princes et des rois qui l’oppriment ; mais sachant qu’il ne peu arriver à ce point sans qu’un mouvement révolutionnaire se fasse, qui entraînerait toutes les autres nations dans le même mouvement, l’ex-triumvir invoque l’aide de tous ceux qui veulent lui donner leur appui, indistinctement, et qui veulent se ranger sous son drapeau et n’avoir qu’un objet en vue : le renversement des potentats.

Pendant que Mazzini est ainsi occupé à travailler à ses projets favoris, il cherche en même temps à favoriser ses amis, les républicains pl[u]tocratiques, Hongrois, Allemands et Français. C’est pour servir leurs projets qu’il vous demande de faire abstraction de toute discussion sur les théories sociales, jusqu’à ce que les tyrans soient renversés ; et alors seulement viendra le moment de vous en occuper, si toutefois ceux qui se seront emparé du pouvoir veulent bien vous le permettre. Cependant, nous ne voudrions pas vous engager à mettre toute votre confiance dans cet avenir, car nous croyons inutile de vous rappeler que Ledru-Rollin, un des amis intimes de Mazzini, lorsqu’il était membre du gouvernement provisoire, en 1848, fit battre le rappel dans tous les arrondissements de Paris (16 et 17 avril 1848), pour intimider par la force armée, et en cas de besoin faire sabrer et fusiller les prolétaires qui osaient murmurer contre la politique réactionnaire de la majorité de ce gouvernement. Pourrions-nous encore accorder notre confiance à de tels hommes ? Non mille fois non !

Que veulent ces hommes maintenant ? Que pensent-ils de nous, déshérités de la terre, parias de la société universelle ? Oui, universelle, car nos idées et nos aspirations sont les mêmes sur toute la surface du globe. Que veulent-ils ? Quoi, rien de plus que nous battre pour eux ! Ils ont besoin de nous pour renverser les monarchies et les empires, et ils veulent les remplacer par des républiques oligarchiques, afin de maintenir l’adoration du veau d’or, la cupidité, l’exploitation de l’homme par l’homme, enfin, tous les vices sociaux existant aujourd’hui : car, sans cela, leur règne n’est pas possible, pour qu’à leur tour ces fameux républicains puissent gouverner, tromper, oppresser, exploiter le peuple par les mêmes moyens coercitifs qu’emploient à cette heure les rois et les empereurs.

Ces soi-disant démocrates, qui veulent reconstruire l’édifice social avec les rouages pourris du vieux monde, s’imaginent que le mot république a une puissance mystérieuse pour opérer sur l’esprit des masses. Ils s’imaginent que le peuple ne sait pas distinguer le faux du vrai, le juste de l’injuste, la substance de l’ombre. En ceci ils se trompent entièrement. Le peuple n’est pas aussi complètement ignorant ni si stupide qu’ils le prétendent. Le peuple comprend bien qu’il ne suffit pas qu’une nation ait adopté une forme de gouvernement républicain pour que le peuple soit libre. Il pense qu’à moins d’être basé sur des principes entièrement démocratiques, ce serait un despotisme déguisé, plus dur encore à subir que celui d’aujourd’hui. Nous déclarons donc, d’une manière précise et formelle, que la bourgeoisie ignore ou feint d’ignorer nos droits sociaux et qu’elle veut se servir de la démocratie, comme elle a fait dans toutes les révolution, que pour satisfaire ses intérêts personnels : nous le disons encore, s’unir avec la bourgeoisie serait à la fois abandonner la justice et la vérité et méconnaître nos droits.

Nous ne demandons pas l’aide de la bourgeoisie pour accomplir la solution de l’humanité, et nous sommes convaincus que si nous y comptions nous ne l’obtiendrons pas. Ce que nous avons de mieux à faire, c’est de ne nous en rapporter à personne qu’à nous-mêmes. Quand l’heure du combat aura sonné, nous devons prendre les armes tous comme un seul homme, mais, bien entendu, pour personne autre que nous, afin de ne plus être joué par quelque avocat langue dorée ; ensuite, soyons notre législateur comme nous serons notre propre maître, et garantissons l’existence de chacun par le travail. Les Etats de l’Europe réunis en une seule république démocratique et sociale, dans laquelle tous les citoyens devront être producteurs avant d’être consommateurs.

Mazzini et son parti prétendent qu’une classification de la société est actuellement nécessaire. Nous, nous pensons différemment ; non-seulement nous croyons, mais sommes entièrement convaincus que la classification de la société est la source de tous les maux politiques et sociaux, et détrui[sen]t l’harmonie et le bonheur de l’humanité entière.

Partout, et sous quelle forme de gouvernement que ce soit, là où il y a des classes ou castes privilégiées, là vous trouverez esclavage et despotisme. Une nation peut aussi bien être l’esclave d’un homme comme de plusieurs. La monarchie absolue est (pour ce qui concerne les classes productives) une forme de gouvernement aussi avantageuse que peut l’être une république bourgeoise : elles existent toutes les deux en volant le peuple du fruit de son travail, toutes deux le dégradent moralement et physiquement, et toutes deux l’insultent, après l’avoir volé, en lui disant qu’il n’est pas assez éclairé pour se gouverner lui-même : l’une est un monstre à une tête seulement, tandis que l’autre est comme une hydre, elle en possède plusieurs.

D’après ce que nous avons exposé plus haut, concernant les Mazzinistes et leurs principes, vous devez comprendre que si vous vous laissez entraîner à cette union, projetée avec tant d’art, vous aurez du moins été prévenu et devrez en subir les conséquences. Après la déception craignez les reproches du peuple : n’en doutez point, la conséquence est inévitable. Nous avons été trompés si souvent, et avec tant de confiance, que nous avons bien le droit d’être sévères aujourd’hui. Rappelons-nous que, de tout temps et en tous lieux, nous avons toujours été trompés par la bourgeoisie. N’oublions jamais, surtout, que c’est la réaction bourgeoise qui a été cause des terribles journées de Juin 1848 ! et que l’Empire en est la conséquence !

Disons-le hautement, et proclamons-le encore une fois, que lorsque nous nous unirons, ce sera et ce doit être sous le Drapeau Social, guidés par l’idée, et non par des hommes comme eux ; et quant à la forme de gouvernement que nous aurons à choisir, il n’y en a qu’une seule, c’est celle du gouvernement "du peuple, par le peuple, et pour le peuple."

Disons-le aussi, que tant qu’ils n’auront pas adhéré sincèrement aux principes de la République Démocratique et Sociale, l’union est et sera impossible.

Le passé doit nous servir de leçon, c’en est assez de ce que nous avons appris pour ne pas l’oublier et pour ne pas nous trouver satisfait[s] de parole vides.

Nous savons que "Liberté" n’est qu’un mot vague, là où une classe de la société est obligée de vendre son travail pour subvenir à son existence à une autre classe de la société, et que "l’Egalité" n’est qu’un rêve, là où un homme est maître et l’autre esclave, et que la "Fraternité" n’est qu’une illusion stupide, là où la société est organisée en classes ou castes ! Nous avons déjà constaté qu’une union entre les Prolétaires Démocrates Socialistes de l’Europe est actuellement d’absolue nécessité, et le fait est si urgent que le plus tôt qu’elle serait effectuée serait le mieux, car l’action doit naturellement s’en suivre. C’est par l’action que peut survenir un changement, lequel devra donner pour résultat non-seulement l’ébranlement politique, mais aussi l’ébranlement social, qui est le complément de l’œuvre et sans lequel celui-là ne serait rien.

A l’œuvre donc, frères, sans aucun retard. "Union," c’est le mot d’ordre aujourd’hui, "Action," sera celui de demain.

A nos frères du continent, nous disons réunissez-vous, quand, comment, et où vous pourrez, n’importe, quel que soit le nombre, à deux, trois, quatre ou cinq ; mais que, dans toutes circonstances, l’union soit dans l’action. Unissez-vous avec une volonté ferme, une conviction profonde que nul obstacle ne vous en empêche, et vous braverez tous les dangers. A nos frères d’Amérique, nous dirons : tenez-vous prêts !

Et maintenant un mot pour nos frères de ces Iles Britanniques.

Vous, accablés de travail et de misère, esclaves de l’exploitation britannique, si vous voulez conquérir vos droits politiques et sociaux, nous pensons que le chemin le plus direct pour les obtenir est de venir en aide aux Démocrates Socialistes de l’Europe, pour renverser tous les oppresseurs, Empereurs, Rois, Capitalistes et Prétailles, etc. Car aussitôt ce fait accompli, soyez certains que la pression se fera sentir dans ces Iles, et que votre gouvernement oligarchique et vos sangsues de bourgeois, seront forcés d’abandonner le terrain à l’intérieur. Ne permettez pas qu’ils vous extirpent jusqu’à la dernière goutte de sang. Ne vous laissez pas bercer plus longtemps avec ce cri dérisoire qu’ils nomment Réforme ! Ne soyez donc plus dupes de ces blagueurs qui vivent en faisant commerce de leur politique et qui s’appellent vos guides. Vous nous demanderez, sans doute, comment et de quelle manière nous pouvons vous venir en aide ? En vous joignant à l’Association Internationale, envoyez vos noms et vos adresses, et aussitôt vous formerez une section de ladite Association. Nous ne vous promettons rien, mais nous vous disons : espérez. Il n’y a point parmi nous de faux politiques ni de chef. Nos fonctionnaires ne sont point payés, chacun remplit son devoir en conscience, pour l’intérêt de la cause générale. Nous croyons tous à la nécessité du sacrifice de notre personne, et cette croyance est mise en pratique tous les jours.

Avant d’abandonner ce sujet entièrement, permettez-nous d’ajouter encore quelques mots sur la nécessité d’une union bien entendue de tous les peuples de l’Europe.

Regardez autour de vous, frères, et remarquez-bien ce que vous voyez. Vous ne pouvez manquer d’observer que toutes les grandes idées, soit d’une bonne ou d’une mauvaise tendance, ont toutes été conduites à l’union par leur développement.

Dans l’industrie, dans le commerce, dans les états, partout enfin, "Union," voilà le mot d’ordre. Et, en effet, c’est de l’union seule que dépend leur existence. C’est l’unité de pensée et l’unité d’action qui accomplit toutes choses en ce monde qui puissent être faites. En un mot, tout, depuis le centre jusqu’à la circonférence, dans la société humaine, depuis le monarque jusqu’au marchand d’allumettes chimiques, tout ce qui vit en trompant, volant ou pillant la classe productive de la société, tous s’unissent, tous s’entendent, chacun dans sa sphère, pour son intérêt.

Pourquoi le prolétariat de toutes les nations ne s’unirait-il pas dans le but de se garantir le fruit de son travail contre toutes sortes d’exploitations ? Pourquoi ne comprendrait-il pas que ce n’est que par cette union seulement qu’il deviendra maître de ces vampires humains.

Depuis que nous avons fondé l’Association Internationale, notre cri a toujours été : Union de tous les Peuples, persuadés que les trois grands principes : "Liberté, Egalité, Fraternité," seront la conséquence de cette union.

Lorsque nous jetâmes les fondements de la société, le premier cri qui s’échappa de notre bouche fut un appel à l’union de tous les partis. Qu’a répondu Mazzini ? Qu’il n’était pas possible d’établir une unité d’intérêts au milieu d’éléments si divers qui doivent résulter dans une Association universelle ; que c’était à la fois dépourvu de sens commun que de songer à réaliser un pareil rêve ; parce qu’alors il croyait pouvoir réaliser tout seul ce qu’il a reconnu impossible depuis, c’est-à-dire renverser l’oppression en Italie, et fonder l’unité italienne par ses propres moyens. Mais aujourd’hui, il paraîtrait qu’un changement s’est opéré dans ses idées : et, de déceptions en déceptions, il en est arrivé à changer sa politique, (non ses principes, notez-le bien,) et il trouve nécessaire de se rallier aux Socialistes, pour ne point perdre la force, et à cet effet il fait un appel, afin de sortir de la fausse voie dans laquelle il se trouve engagé.

Oui, citoyens, Joseph Mazzini est à la fin descendu à accepter votre aide, mais à la condition que vous n’ouvrirez pas la bouche sur cette question si grande pour nous : "Droit au travail " Vous n’êtes pas appelé à discuter les questions sociales, dit ce grand homme : vous êtes appelés seulement à faire la besogne la plus rude, c’est-à-dire de verser votre sang, non pour notre cause, mais pour la leur ; et vous n’avez pas le droit de demander pour qui ni pourquoi. Ne dites-vous pas, comme nous, que Mazzini est un homme modeste ? Oui, très-modeste !

Pour nous, qui avons confiance entière dans nos principes, nous considérons tous ceux qui nient le Socialisme comme ennemis du travailleur, et tous ceux qui se joindraient à un parti qui affiche de telles tendances politiques, nous les considérons comme des esclaves qui méritent de supporter leur peine et indignes d’être libres. Pour eux, Liberté est un mot vide, sans signification exacte ; pour eux, les martyrs de la démocratie sont morts en vain ; enfin, pour eux, le soleil de la Liberté ne luira jamais.

Maintenant un mot, pour conclure, au parti Mazziniste.

Messieurs, il est évident pour vous que, sans la coopération du prolétaire, vous ne pouvez rien, absolument rien. Désirant, autant et plus que vous, de voir disparaître de la terre toutes ces honteuses iniquités, nous nous empressons de vous informer que nous voulons bien coopérer avec vous, agir simultanément et marcher quand vous marcherez. Mais, pour nous unir avec vous est chose impossible  : nous ne pouvons pas et ne voulons pas. Nous ne voulons être ni conseillés ni guidés par vous ; c’est armés de nos principes que nous combattrons envers et contre tous.

Maintenant, un avis avant de finir. Nous avons dit ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas. Dans notre humble opinion, le parti le plus sage que vous puissiez prendre immédiatement c’est de descendre de vos échasses, de mettre de côté cet égoïsme qui vous suit toujours et d’essayer de vous rendre enfin utiles à l’humanité.

Reprenez une nouvelle position, il en est temps encore, et plantez votre bannière sur un terrain plus solide ; que votre mot d’ordre soit CHACUN POUR TOUS ET TOUS POUR CHACUN, et, alors nous serons des premiers à vous tendre la main et pour nous unir avec vous.

Vive la République Démocratique et Sociale Universelle !

Au nom de l’Association Internationale :

J. MACKAY, Secrétaire général.
BRICHARD, F. GIRARD, J. T. CLARKE, J. DOMINNEY,
A. HERBEN, C. YOUNG, N. ULRICH, CRONIER, CALAY, L. F. FORBES.

Prolétaires, prenez-garde à vous ! Répondez à notre appel, il en est plus que temps !


 

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