Tremblement de têtes en Europe

Toutes les rumeurs qui nous viennent de l’ancien monde présagent un prochain cataclysme. Les cours des Majestés sont à la baisse dans l’opinion publique ; le capital a peur ; le travail chôme ; la vieille société périclite.

Sentant que l’Empire s’écroule, c’est Pélissier qui cherche à se raccrocher à la branche cadette ; le Malakof se risque à banqueter avec le d’Aumale. Ce sont les bourgeois de Paris qui ont la nostalgie des d’Orléans ; en attendant mieux, ils font dire des messes pour la défunte mère du comte-citoyen, et les salons arborent le deuil en signe d’opposition. Ce sont les prolétaires qui palpitent et bruissent – avec les régicides, les impératoricides ? – non pas ; mais avec les autoricides les anarchistes. Le socialisme écume dans les faubourgs ; et le salaire à marée basse proteste par ses grèves contre les exigences des exploiteurs.

Tous les augures prophétisent la Révolution.

Et puis, décidément, Bonaparte joue de malheur. Dit-il blanc, il dit mal ; dit-il rouge, il dit mal encore. Fait-il de la réaction, il a contre lui tout le monde. Fait-il de la révolution, il a encore tout le monde contre lui : les Jésuites et les politiques, même ceux qui prétendent à se faire passer pour des révolutionnaires.

Ainsi le Barbe-Bleue impérial touche aux moments suprêmes.

Ânes, mes bourgeois, ne voyez-vous rien venir ? Vous ne voyez que la dictature et les d’Orléans. Eh ! bien, moi, je vois deux cavaliers qui s’avancent, le Génie de l’Avenir et la Némésis de la Misère, et, plus loin, la révolution sociale qui flamboie et l’arbre de la liberté qui verdoie.


 

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