LA MISSION DE L'ITALIE.

Le Libertaire l’a publié dans un article intitulé : Le [Tallion], la mission de l’Italie dans la symphonie révolutionnaire, sa partie dans le concert ou le mouvement social des peuples, c’est l’insurrection contre la papauté, le renversement et la trituration, par le glaive et la flamme, du trône pontifical du pontife-roi. La justice du peuple, elle qui s’est appesanti sur des têtes de rois, n’a pas encore osé porter la main sur un pape. Que celui qui règne maintenant sous le nom de Pie IX soit le dernier, lui qui a accepté, avec la succession au saint-siège, les forfaits héréditaires de ses devanciers. Exploiteur du Christ, il faut qu’il ait au moins ce premier rapprochement avec le crucifié dont-il se dit le disciple et dont il est la parodie, de mourir aussi au gibet ; que le Vatican embrasé lui serve de calvaire ; et que, pendu à la charpente où, tout-puissant, il accrochait ses foudres, il expire au milieu des huées, l’éponge de fiel et de sang, la lie et l’écume de ses crimes aux lèvres, le front couronné de la tiare infamante ; qu’il ait enfin ce parallèle avec celui qu’on appelait par ironie le roi des Juifs, cloué sur la croix, abreuvé d’amertume et couronné d’épines, révolutionnaire d’il y a dix-neuf siècles, martyr de nos péchés, et dont le roi des catholiques, martyr de ses propres péchés et des péchés de ses complices, est la réaction. Mais, à l’encontre de l’Ante-Pape, de l’humain Jésus, qu’il ne ressuscite que pour prendre place avec tous les apôtres du despotisme, les suppôts de Dieu, dans l’exécration des générations présentes et futures.

Si l’on en doit augurer par la lettre de Garibaldi aux étudiants de Pavie, l’Italie ne serait pas très-éloignée de se ranger à cette idée ; le berceau de la papauté serait bien près d’en devenir la tombe.

Oh ! — dit l’enfant chéri des Italiens, — en pensant aux tortures de Galilée !... et à celle de tant de siècles de notre malheureuse Italie ! tout homme né sur cette terre devrait mettre la main aux pavés des rues... et venger sur ces misérables hypocrites à soutane noire les malheurs, les injures, les souffrances de vingt générations passées !...

Le trop peu clairvoyant patriote parle ensuite avec amour du pouvoir temporel de Victor-Emmanuel, sans s’apercevoir que cette papauté laïque n’est pas moins détestable en principe que la royauté ecclésiastique qu’il anathémise. Changer le pouvoir temporel de Rome pour celui de Turin, l’autorité du pontife-prêtre pour celle du soldat-pontife, c’est changer son pape borgne pour un aveugle. “ Le roi pieux et généreux que Dieu a donné aux Italiens comme un ange rédempteur, et qui peut, pour le moment... racheter l’Italie ! parce que, dans le centre de cette Italie, au cœur de cette Italie !... il y a encore le chancre appelée la papauté !... ” est, — n’en déplaise, à Garibaldi, — un chancre analogue à cette papauté, une imposture analogue à cette papauté.

Plus loin, après avoir parlé “ des sympathies des nations qui ne permettrons pas que l’Autriche ressuscite en Italie, et de la serre qu’elle pose sur l’infortunée Venise et qui n’est plus la serre de l’aigle, mais la griffe du hibou, ” il ajoute :

Mais un ennemi terrible existe encore... le plus redoutable... par ce qu’il est répandu dans les masses ignorantes, où il domine par le mensonge !... redoutable... parce qu’il est sacrilègement recouvert du manteau de la religion... parce qu’il vous sourit avec son sourire se Satan !... et qu’il est glissant comme un serpent... quand il veut vous mordre !... Et cet ennemi si redoutable !... si redoutable !... ô jeunes gens !... c’est le prêtre !... à peu d’exceptions près, sous quelque forme qu’il se présente à vous.

Déclarer le prêtre un ennemi et lui faire la guerre sous quelque forme qu’il se présente, voilà qui est certainement [entrer] dans les vraies voies de la révolution italienne. Seulement ce n’est pas l’image de Satan que représente le prêtre, — car Satan est le mythe de l’humanité en révolte contre ses oppresseurs, — mais l’image de Dieu, ce mythe de l’universelle Inquisition, ce symbole de la sainte-paternité, de la royauté-sacrée, cet emblême de l’esprit du mal incarné dans les oppresseurs de l’humanité.

Allons, Garibaldi, un peu d’effort et en avant ! Vous avez personnellement à racheter des fautes qui sont des crimes. Cessez d’être le Lafayette de la révolution italienne, soyez-en le Marat !

Et vous tous, Italiens, au nom du salut public universel, en avant en masse contre la papauté, la papauté politique et religieuse ! — Et la Convention naturelle, l’ensemble anarchique de tous les révolutionnaires du globe, décrétera que vous avez bien mérité de la grande patrie !

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