Variété

La Demoiselle de Magasin

 

Elle arrivait de France, alors. Et tout en elle,
Son maintien, son regard, sa voix, ses mouvements,
Tout trahissait encor la grâce originelle,
Le charme des contours, l’ardeur des sentiments.

Elle avait la beauté des muses et des anges,
Cette exquise beauté des femmes de Paris.
Le Soleil et l’Azur dans leurs plus doux échanges
N’eussent point égalé son céleste souris.

Elle avait dans le cœur le myrthe des tendresses :
Des pensers de poète et d’artiste au cerveau.
Son âme promettait d’ineffables caresses.
Elle était femme ainsi que l’idéal est beau !

Eh bien, en moins d’un mois, sur cette terre impure,
Dans ce pays malsain pour l’esprit et le corps
La jeune femme, hélas ! a changé de nature.
— Fièvre-jaune des mœurs, tu l’as prise et la tords !...

Et maintenant son âme a des sillons de rides.
Le sang pur s’est figé dans l’artère du cœur.
Les prostitutions, ces larves homicides,
Ont troué les tissus de sa vive pudeur...

Elle est ce qu’elles sont souvent, les pauvres femmes,
Dans ce monde du vice où l’or est du soleil.
Elle a trouvé dans un de ces bazars infâmes
L’Olympe,* l’ambroisie... et l’opprobre au réveil !

J. D.

N.O. 1857

* Allusion à une marchande de "nouveautés" pour femmes, et pour hommes.


 

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