Nécrologie.

Le réformateur connu du monde philosophique par ses deux essais de colonisation socialiste, en Angleterre et en Amérique, le contemporain et l’émule de Saint-Simon et de Fourrier [sic] — Robert Owen — a expiré le 17 novembre dernier, à Newton, Montgomery (Angleterre), "calme, de même que s’il s’était endormi, sans la moindre souffrance."

Son grand âge avait sans doute affaibli ses facultés mentales comme ses facultés physiques, car il a disparu d’au milieu des civilisés sans jeter au bord de la tombe une de ces vives et dernières lueurs dont s’illuminent les flambeaux avant de s’éteindre. Il a passé le seuil de la grande demeure sans saluer à ce moment suprême, sans corroborer, par quelque solennelle et humanitaire parole, son œuvre philosophique, —  ce passé qui fut sa vie et dont la mort le dépouille, — et l’avenir, —  l’œuvre des temps futurs, dont cette mort, nouvelle forme de la vie, lui ouvre les chemins.

Cependant si, parmi les propagateurs de la Révolution sociale, il ne fut pas un des plus intrépides, un des plus enthousiastes, on peut dire de lui qu’il fut un des plus persévérants.

Missionnaire de l’Humanité, durant sa longue carrière, il ne s’est pas démenti, il est resté fidèle à sa cause, mais... il lui manque un beau trépas.

Quelques jours avant la mort du philosophe anglais, voici comment Pierre Leroux s’exprimait à son égard :

" ( . . . ) J’ai connu aussi personnellement Robert Owen ; et, malgré la grande difficulté que nous éprouvions à causer ensemble, parce que je ne parle pas anglais et qu’il ne parle pas français, j’ai pu saisir le trait distinctif de sa nature morale, une ineffable bienveillance, une bonté absolue, générale, sans réserve ; j’ai compris aussi comment cette tolérance inaltérable répond admirablement à son Fatalisme, une théorie pleine de profondeur, que la France ne connaît pas, et qui mériterait d’être connue ; car après toutes les critiques qui ont été faites de la société actuelle, la critique du philosophe anglais se résumant dans un absolu fatalisme au sujet du vice et de la vertu, du bien et du mal, du vrai et du faux, est peut-être l’arme la plus puissante qu’on ait forgée contre cette société.

Mais comme il sera probablement question de Robert Owen dans la prochaine livraison de cette Revue, je n’ajouterai rien ici à son sujet, me contentant de vous dire que, soit par l’influence qu’il a eue non-seulement en Angleterre et en Amérique, mais en France, aussi bien que par le point de vue particulier d’où il a présenté la réforme sociale, Robert Owen, l’homme de sentiment, l’Artiste de la première période du Socialisme, n’est nullement inférieur au Penseur Saint-Simon ni au Mécanicien Fourrier."


 

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