Variété.

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VOILE AU VENT !

 

Au delà du gouffre qui gronde
Loin de l’écume de nos mœurs,
L’esprit signale un Nouveau-Monde.
Le monde des libres penseurs...

Voile au vent ! fils de la pensée,
Marcheurs dont l’âme est le gréement
Voile au vent, et flamme hissée !
— L’idéal... c’est le mouvement !

J’aime à contempler les étoiles,
En dépit des flots irrités. J
J’aime à braver, sous toutes voiles,
Les vents, les électricités.

J’aime à voir briller l’utopie
Au-dessus des civilisés.
J’aime à heurter, frondeur impie,
Les éléments crétinisés.

J’aime à veiller, — spectre ou vigie, —
La nuit sur le gaillard-d’avant,
L’écoute dans la glauque orgie,
Et l’amure au plus près du vent.

Au bruit de la houle marine,
Au roulis parfois un peu dur,
J’aime du fond de ma cabine,
Rêver de soleil et d’azur.

Fi ! des calmes, faces muettes,
Masques des louches trahisons,
J’aime mieux les franches tempêtes
Illuminant les horizons.

Par les tempêtes ou les calmes
Quand le péril est sur le pont,
Honte à qui dédaigne les palmes
Que l’audace offre au cœur, au front !

Dévier de la droite ligne,
Mollir en face du danger,
Ou virer de bord, chose indigne...
L’esclave seul peut y songer !

Honte à qui cule**, et prend, en sage,
Des ris aux huniers de son cœur :
Honte à qui fuit devant l’orage...
C’est à l’orage d’avoir peur !

Au delà du gouffre qui gronde,
Loin de l’écume des mœurs,
L’esprit signale un Nouveau-Monde,
Le monde des libres penseurs.

Voile au vent ! fils de la pensée,
Marcheurs dont l’âme est le gréement
Voile au vent, et flamme hissée !
— L’idéal... c’est le mouvement.

                                                                                    J. D.

Nouvelle-Orléans, 1837.


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