Morts à la peine... On lit dans le Bien-Etre Social un article né[ch]rologique dont nous extrayons les principaux passages. Cest quelque chose dhorrible que le martyre de ces deux jeunes hommes. Hommes, leurs frères, les frères de tous ceux quon assassine ainsi, serez-vous donc toujours sourds à la voix du sang ?... "Rendons les derniers devoirs à nos frères, à nos pauvres frères qui tombent chaque jour victimes de leur foi républicaine. Partout, à travers le monde, la terre et les flots leur servent dossuaire et la lâcheté des hommes les couvre dun double linceul dindifférence et doubli. Les deux derniers martyrs que lon vient de coucher dans la tombe, avaient été jetés, tout enfants, dans les prisons de M. Bonaparte, " le protecteur des libertés de lItalie. " Le premier, pauvre jeune homme chétif dont léchine avait été tordue par une maladie denfance, âme grande dans un corps difforme. Lorsque la nouvelle de lattentat vint saisir le citoyen Prévereau, il sauta sur son fusil et courut saccoter aux hommes courageux qui ne voulaient point laisser la France sous les genoux dun despote. Prévereau avait vingt ans ; il fut jeté au bagne, et pendant trois années, le malheureux fut rivé à la chaîne dun forçat par ordre de M. Bonaparte, " le protecteur des libertés de lItalie. " En sortant du bagne le jeune martyr fut enseveli dans les cachots du Mont-Saint-Michel la prison maudite ! Là, il passa encore deux années, et lorsquil fut malade, bien brisé, prêt à rendre son dernier souffle de vie, " ladministration " impériale le fit transférer à Belle-Ile-en-Mer. Lorsque cette dernière prison fut dissoute, Prévereau fut replongé au Mont-Saint-Michel. Cest là quil vient de mourir, le corps décomposé par la maladie, les privations, la douleur... Mariette avait 17 ans. Cétait un ouvrier actif, laborieux, dune conduite irréprochable. Nourri dans la haine de loppression, son cur bondissait au souvenir du monstrueux attentat de décembre. Le 5 Juin 1853 il fut pris, les armes à la main, aux abords du théâtre de lOpéra-Comique ou devait se rendre, ce soir-là, sa majesté M. Bonaparte, " protecteur des libertés de lItalie. " Mariette fut condamné à la transportation. Mais pour lenseignement de tous et pour justifier une fois de plus la légitime horreur quinspire un régime de boue et de sang, il est utile de raconter les tortures que la lâcheté des modernes inquisiteurs fit subir à cet enfant pendant sa prévention. Dans sa cellule de Mazas, une tombe avec des yeux despions collés à chacune de ses parois, on venait prendre le pauvre garçon au milieu de son sommeil on le forçait à shabiller à la hâte, en lavertissant quil marchait à son dernier supplice. Un quart dheure plus tard, lorsquon le ramenait dans sa cellule, sous prétexte que lon venait de surseoir à son exécution, le malheureux captif, les sens affolés, par tant de poignantes émotions, trouvait une tête de mort déposée dans un coin de son cachot. On le laissait ainsi, livré à de lugubres pensées et travaillé par la fièvre de lhallucination, jusquau moment où le juge dinstruction le faisait prendre pour lui infliger un autre genre de torture, en essayant den faire un " révélateur. " Les hommes forts, qui ne connaissent point les terreurs de lisolement absolu, mépriseront et riront de cette déplorable mise en scène, de tous ces procédés macabres à lusage du gouvernement de M. Bonaparte " le protecteur des libertés de lItalie. " Mais un pauvre enfant dont la vie nest point faite, dont lesprit na pas encore eu loccasion de tremper ses ressorts dans les eaux des grandes luttes, meurt ou devient fou dans cet enfer bonapartiste. Après six années dune cruelle prison, Mariette vient de mourir au Mont-Saint-Michel (...)" |